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Les Croyances du Chiisme

Les Croyances du Chiisme Author : Mohammad Redhâ al-Modhaffar Le savant et professeur Cheikh Mohammad Redhâ al-Modhaffar était un produit-type des institutions religieuses et théologiques de la capitale du Chiisme, la ville de Najaf (Iraq). Il est né le 5 Cha`bân 1322 de l'hégire dans une famille connue dans cette ville pour sa vocation théologique. Son père, Cheikh Mohammad ibn Abdullâh al-Modhaffar, était un faqîh, un mujtahid, un savant et l'un des marâja` ("Références à suivre") de Najaf. Né, éduqué et grandi dans une famille de savants et dans un milieu de chercheurs et d'érudits, le Cheikh Mohammad Redhâ al-Modhaffar fut doté dès le début d'une formation scolaire, intellectuelle et culturelle solide.



Il commença sa formation par l'étude de la littérature, de la jurisprudence, de la théologie et du rationalisme, le circuit classique et habituel de l'école de Najaf. Il excella rapidement dans toutes les disciplines qu'il étudiait. Après avoir achevé ce cycle d'enseignement secondaire, il se consacra aux études supérieures de fiqh (jurisprudence musulmane), de Fondements de la Religion et de philosophie, sous la direction des grands ulémas de l'époque. Tout en poursuivant ces recherches, al-Modhaffar enseignait le fiqh et les fondements de la philosophie à la fois aux niveaux d’études secondaires et supérieures.

Mais outre ces activités, al-`Allâmah al-Modhaffar se consacra au développement de la très célèbre institution académique et religieuse de "Montadâ al-Nachr", dont le nom est devenu inséparable du sien. Non seulement il en assurait la direction, la gestion et l'organisation des programmes, mais il y enseigna la littérature, la logique, la philosophie, la jurisprudence, les Fondements, du niveau élémentaire au niveau supérieur.

Cet homme infatigable et cet esprit insatiable ne savait imposer des limites à ses activités ni se contenter d'une branche de la Connaissance. Dès sa première jeunesse, et malgré un programme scolaire très chargé et absorbant, il s'intéressa de près à ce qu'on appelait la "culture moderne" et les "sciences modernes": mathématiques, astronomie, sciences de la nature, etc... Et, tout en étant absorbé par ses études théologiques et philosophiques, il cultivait son goût pour la langue arabe, la poésie et la versification. Alors qu'il dispensait des cours dans les différents domaines de sa formation, partout où on avait besoin de lui, et quel que soit le niveau scolaire proposé, il ne cessa jamais d'élaborer des programmes scolaires et universitaires, de rédiger des articles et de publier des ouvrages dont certains sont devenus les manuels de base incontournables dans beaucoup de grands établissements théologiques et académiques. L'exemple en est son ouvrage particulièrement célèbre: "Al-Manteq" (La Logique).

En 1376 de l'hégire, al-Modhaffar fonda la Faculté de Fiqh (jurisprudence islamique) à Najaf, où l'on enseigne toujours la Jurisprudence Imâmite, la Jurisprudence Comparée, le Tafsir (Exégèse) et ses fondements, le Hadith et ses fondements (al-Derâyah), l'éducation, la psychologie, la littérature et son histoire, la sociologie, la Logique, l'histoire moderne, la méthodologie de l'enseignement, la grammaire, les langues étrangères, etc.
Au Nom d'Allah, le Clément, le Miséricordieux

Allah soit loué et que la Paix et la Prière soient sur le Prophète Mohammad, le meilleur de l'humanité, ainsi que sur les membres guidant de sa famille.

Lorsque j'ai rédigé ces "croyances", je ne cherchais qu'à enregistrer le résumé de ce que j'avais compris des croyances islamiques telles qu'elles sont présentées par l'École d'Ahl-ul-Bayt (P).

J'ai rédigé ces résumés dépouillés de preuves et de démonstration, et dépourvus des hadiths des Imams d'Ahl-ul-Bayt dont ils sont tirés, car j'ai voulu que tout le monde, le débutant, le lecteur instruit et le savant, puisse en bénéficier.

Je les ai intitulé "Les Croyances des Chiites"1 en entendant par ce dernier terme, les Chiites imâmites duodécimains en particulier.

Lorsque je les avais préparés en 1363 A.H., c'était dans l'intention d'en faire des cours périodiques pour les étudiants de la Faculté religieuse de Montadâ al-Nachr2, en espérant qu'ils serviraient de cours préparatoires pour des recherches théologiques de haut niveau. A l'époque, je ne les avais pas écrits en écrivain publié et lu. Aussi ces textes étaient restés négligés sur des feuilles dispersées, à l'instar de beaucoup d'autres cours et conférences - notamment dans le domaine des croyances et de la science théologique - que je dispensais ces jours-là.

Mais cette année - huit ans après leur rédaction - un noble et éminent éditeur m'a encouragé à les réviser et à les compiler pour les publier sous forme d'un traité à cycles enchaînés, afin qu'il soit mis à la disposition des lecteurs et qu'il serve à réfuter beaucoup de fausses accusations collées au dos des Chiites imamites, surtout à un moment où certains écrivains contemporains en Egypte et ailleurs persistent à faire de leur plume l'instrument de campagnes injustes contre le Chiisme et ses croyances, ignorant ou affectant d'ignorer la pureté islamique de la voie des Ahl-ul-Bayt, se rendant ainsi coupables d'être injustes envers la vérité et de répandre l'ignorance entre leurs lecteurs d'une part, et d'appeler à la division des Musulmans à susciter la haine et la rancune dans leurs coeur, et pis, à les inciter les uns contre les autres. Pourtant tout homme averti ne saurait ignorer combien nous avons besoin, surtout de nos jours, du rapprochement entre les différents groupes musulmans et de l'apaisement de leur haine, faute de pouvoir unifier leurs rangs et les réunir derrière un seul étendard.

Je dis ceci tout en étant conscient que nous ne pourrions pas malheureusement amener à la raison, par nos efforts de rapprochement, des écrivains tels que le Dr. Ahmad Amîn et ses semblables, portés à la division, car plus nous leur expliquons l'authenticité et la vérité de nos croyances islamiques, plus ils s'entêtent à vouloir les déformer, et plus nous attirons leur attention sur leurs erreurs, plus ils s'obstinent dans leur attitude hostile.

En fait, il nous importerait peu que ces individus et d'autres persistent dans leur hostilité, si nous ne craignions pas qu'ils n’induisent en erreur des lecteurs non avertis qui risqueraient de croire à leurs mensonges, et de s'imprégner de leur haine et de leur hostilité.

En tout état de cause, en acceptant de publier ce livre, j'espère qu'il présente un intérêt pour quiconque cherche la vérité, et ce faisant, j'aurai rendu un service islamique, ou même un service humain... Et c'est à Allah Seul que je demande la réalisation de mon but.

Mohammad Redhâ al-Modhaffar

Najaf - Iraq

Le 27 Jomâdi al-Thânî 1370 H.

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1. C'est le titre que l'auteur avait donné à la première édition.

2. C'est l'établissement de l'auteur lui-même. Il sera rebaptisé par la suite "La Faculté de la Jurisprudence de Najaf". Elle existe toujours bien qu'elle ait été annexée à l'Université de Mostansiriyyah en 1070, et à l'Université d'al-Koufa en 1987, et qu'elle ait connu de nombreuses tentatives de changement dans son programme d’éducation et dans sa méthode d'enseignement.
Dix ans après la publication de ce livre, dont le but était d'expliquer les croyances Chiites, on m'a demandé l'autorisation de procéder à une deuxième édition.

Si j'ai accepté sa réédition, c'est dans l'espoir renouvelé de dissiper les nuages épais qui ont assombri depuis longtemps les relations entre les deux grandes familles de l'Islam: le Sunnisme et le Chiisme, et de tenter d'enlever la poussière que le passé lointain a fait retomber sur les croyances islamiques authentiques.

Je suis certain que l'idée du "rapprochement des Écoles Juridiques Musulmanes" est devenue aujourd'hui une nécessité urgente et un but ultime pour tout Musulman soucieux de l'intégrité de l'Islam et ce, de quelque horizon doctrinal qu'il soit, et quelle que soit son opinion sur les héritages doctrinaux. Or, le meilleur moyen de favoriser ce rapprochement est que les tenants de chaque École juridico-religieuse de l'Islam se chargent eux-mêmes de faire connaître et d'expliquer tous les aspects méconnus et incompris de leur doctrine.

Cette façon de procéder offre, à mon avis, toutes les garanties d'une compréhension correcte et juste des croyances d'une doctrine, puisque celle-ci est expliquée par ses propres adeptes et se trouve ainsi à l'abri de toute supputation, extrapolation, conjecture ou argumentation fallacieuse.

Qu'Allah fasse se réaliser le but dans lequel ce livre a été écrit.

Le 21 Chawwâl 1380

L'auteur
Préface Par Dr. Hamid Hafni Dâwûd, Professeur de Littérature Arabe à la Faculté des Langues du Caire et Directeur des Études Islamiques à l'Université de "Aligarh" en Inde.

Ils se trompent lourdement ceux qui prétendent pouvoir connaître de façon correcte les croyances du Chiisme, ses sciences et sa littérature, à travers les écrits de ses adversaires, quand bien même ces derniers seraient des savants confirmés et qu'ils observent toute l'honnêteté scientifique dans la transmission des textes (références, citations, documents), et dans les commentaires qu'ils en font, en toute objectivité et loin de tout parti pris sectaire.

Je dis cela, et j'insiste sur cette affirmation, en connaissance de cause et après avoir passé un temps très long dans l'étude des croyances des douze Imams en particulier, et du Chiisme en général, à travers les ouvrages historiques et critiques des auteurs Sunnites. De cette longue période d'étude du Chiisme à travers les écrits des savants Sunnites, je n'ai pas obtenu grand chose, et je ne suis pas parvenu à connaître la vérité concernant le Chiisme. La raison en est que cette étude était une étude incomplète et mutilée, fondée sur les affirmations des détracteurs de cette École juridico-religieuse, dont les adeptes constituent la seconde partie des Musulmans dans les orients et les occidents de la Terre.

Et puis, animé que j'étais par la recherche de la Vérité où qu'elle se trouve, de la Sagesse où qu'elle soit, la Sagesse étant la bête égarée du Croyant, j'ai tourné le gouvernail de ma recherche scientifique de l'École des douze Imams vers l'autre direction, c'est-à-dire l'étude de cette École à travers les écrits de ses savants, de ses tenants, de ses chercheurs et de ses dignitaires. Et il est évident que les savants de ladite École connaissent mieux celle-ci que ses adversaires, et ce quels que soient l'éloquence, la rhétorique et les mérites de ces derniers.

En outre, l' "honnêteté scientifique", qui est l'une des premières règles de la "méthode scientifique moderne" que j'ai choisie pour mener à bien mes recherches et mes écrits sur les vérités matérielles ou spirituelles, exige une exactitude totale et beaucoup de scrupules dans la transmission des textes et des documents sur lesquels se fonde le chercheur. Or, comment un chercheur, quelles que soient son habilité scientifique et son intuition dans la connaissance des vérités, pourrait-il s'assurer de l'authenticité et de l'exactitude des textes relatifs aux Chiites et au Chiisme en s'appuyant sur des références et des sources qui n'appartiennent pas à ces derniers? Sa recherche "scientifique" serait certainement sujette à caution, et ne reposerait certes pas sur un fondement bien solide!

Pour toutes ces raisons, j'ai décidé d'approfondir mes connaissances relatives au Chiisme et aux Chiites à travers ce qu'ils avaient écrit eux-mêmes, et ce qu'ils ont dit eux-mêmes, afin de ne pas tomber dans la même erreur et le même malentendu que d'autres historiens et critiques qui s'étaient crus à même de porter des jugements sur le Chiisme et les Chiites. Pour moi, tout chercheur qui s'aventure à étudier une série de faits et de vérités en se référant à des sources non originelles fait un faux pas et commet une absurdité qui n'a rien de scientifique.

C'est dans cette erreur qu' "al-`Allâmah, le Dr. Ahmad Amîn" est tombé lorsqu'il a traité de la doctrine Chiite dans ses livres. En effet, ce "`âlem" avait essayé d'exposer aux intellectuels certains aspects du Chiisme et, ce faisant, il s'est cru autorisé à faire des supputations sur cette École, telles que: "le Judaïsme s'est manifesté dans le Chiisme"... "Les Chiites sont les adeptes de `Abdullâh ibn Saba'", et d'autres insinuations dont la fausseté a été établie et que les ulémas Chiites n'ont trouvée aucune peine à réfuter. (...)1

Et alors que je continuais à puiser dans les sources originelles et authentiques du Chiisme, un ami éditeur irakien2 m'a présenté un nouveau livre, écrit par le Professeur Mohammad Redhâ al-Modhaffar, Doyen de la Faculté de Fiqh de Najaf (Iraq), sur les croyances des Chiites, et m'a demandé d'en préparer une introduction dans laquelle je dirais franchement ce que j'en penserais.

Dès que je me suis mis à feuilleter ce livre, je n'ai pu qu'être saisi d'admiration pour un ouvrage dans lequel l'auteur allie l'exposé précis des croyances des Chiites à la clarté et la franchise de l'expression de son intention. En effet, alors que ce livre ne cesse de vous procurer une immense joie dans la découverte des croyances du Chiisme à travers une image clairement dessinée, dont les différentes parties sont bien classées et bien détaillées, il vous éblouit en même temps par la beauté de ses expressions et l'éclat de son tissage. Mais outre ces deux aspects dignes d'éloges de l'ouvrage, celui-ci réunit en lui la richesse du contenu que les chercheurs sont habitués à trouver dans les livres du Chiisme, et la brièveté et la concision de ce que l'auteur veut expliquer au lecteur. Fait ainsi, ce livre peut être présenté en deux mots: un contenu riche, concentré dans un tissu infiniment compact et clair.

En disant tout cela, je cherche moins à flatter ou à complimenter à l'excès l'auteur, qu'à dire ce qui constitue, à mon avis, l'un des principes scientifiques élémentaires que les chercheurs visent lorsqu'ils s'efforcent de présenter les faits et de les mettre à la place qu'ils méritent.

C'est pourquoi je vais essayer de présenter au lecteur quelques-unes des belles images que recèle ce traité minuscule en volume et en structure, et riche en idées et en signification, traité que l'auteur a étoffé d'arguments et de preuves et brodé de témoignages et de citations tirés tantôt du Saint Coran et du Hadith et tantôt des dires des douze Imams, (qu'Allah soit satisfait d'eux).

Ces belles images que je vais vous exposer, capteront sans doute l'attention du lecteur averti tout comme elles ont capté la mienne, et susciteront son admiration tout comme elles ont suscité la mienne, même s'il n'a pas lu cette introduction que j'ai écrite, car très souvent il y a une symbiose entre les sentiments des chercheurs et des lecteurs et une conformité de vue dans les jugements qu'ils émettent sur ce qu'ils lisent, puisque la vérité est une et non multiple, tant que ceux qui la disent et ceux qui la jugent émettent leurs jugements en se fondant plus sur la raison que sur le coeur, et plus sur leur conviction intime que sur leurs caprices, et qu'ils sont animés plus par l'équité que par le parti pris sectaire.

L'une de ces images susceptibles de capter l'attention du lecteur est la question de l'ijtihâd chez les Imâmites (les Chiites adeptes des douze Imams d'Ahl-ul-Bayt). En effet, selon l'idée générale transmise de génération en génération par les uléma Sunnites, la porte de l'ijtihâd a été fermée avec la disparition des quatre imams du Fiqh (la jurisprudence islamique): Abu Hanîfah, Mâlek, al-Chafe`î et ibn Hanbal. Il est question ici, évidemment, de l'ijtihâd dans la doctrine ou un ijtihâd partiel, dans les branches, et il s'est arrêté, chez les Sunnites, au plus tard au quatrième siècle de l'hégire. En ce qui concerne les tentatives d'al-Ghazâlî au cinquième siècle, d'Abu Tâher al-Salafî au sixième siècle, de `Izz al-Dîn ibn Abdul Salâ et ibn Daqîq al-`Id au septième siècle, de Taqî al-Dîn al-Sabkî et de l'inventeur3 Ibn Taymiyyeh au huitième siècle, d'al-`Allâmah Jalâl al-Dîn Abdul Rahmân ibn Abî Bakr al-Soyoutî au neuvième siècle... elles s'inscrivent, du point de vue de la méthode scientifique moderne, dans le chapitre des fatwâ (décrets religieux) et n'ont rien à voir avec l'ijtihâd.

En revanche, les ulémas Chiites Imâmites s'autorisent l'ijtihâd sous toutes ses formes, que nous venons d'évoquer, et y insistent absolument. Ils n'ont jamais fermé le chapitre de l'ijtihâd à leurs savants religieux jusqu'à nos jours. Bien mieux, on les voit exiger la présence du "mujtahid contemporains" parmi eux, et rendre obligatoire pour tout Chiite de le suivre directement sans plus se référer aux mujtahid déjà décédés, tant que ledit mujtahid contemporain (vivant) tire les bases de son ijtihâd (les Fondements et les branches) de ses prédécesseurs et les hérite des Imams qui les transmettent de père en fils.

Ce n'est pourtant pas tout ce qui me séduit dans leur ijtihâd. Ce qui me semble encore plus captivant à cet égard, c'est que l'ijtihâd qu'on leur connaît suit l'évolution de la vie et de ses lois, et rend les textes religieux vivants, mobiles, évolutifs et en développement constant, s'adaptant aux lois de l'époque et du lieu, et échappant au figement qui éloigne la Religion de la vie ou la doctrine de l'évolution scientifique, comme on le voit dans la plupart des autres Écoles juridico-religieuses Musulmanes.

Sans doute la production livresque prodigieuse des Chiites et leur riche bibliothèque toujours grandissante, s'expliquent-elles à notre avis du fait qu'ils ont laissé ouverte à deux battants la porte de l'ijtihâd.

La deuxième image qui attire l'attention des penseurs, et les incite à s'intéresser aux croyances de cette doctrine et à approfondir l'étude de ses opinions, c'est la discussion des ulémas Chiites de la question de la "beauté" et de la "laideur" dans les choses, et de savoir si une chose est belle en elle-même et de par son essence, ou bien si elle l'est parce qu'Allah l'a commandée à Ses serviteurs et l'a choisie pour eux. Et la même question est posée par eux à propos de la laideur: une chose est-elle laide dans son essence et dans sa nature, ou bien sa laideur découle-t-elle du fait qu'Allah l'a interdite à Ses serviteurs?

Quand vous aurez lu ce sujet et ce que l'auteur des "Croyances du Chiisme" dit à ce propos, vous constaterez vous-mêmes que les Chiites optent pour la première solution à propos du beau et du laid. Selon les Chiites en général, et les Imâmites en particulier, la beauté et la laideur sont essentielles et originelles dans les choses, et ne proviennent pas de l'approbation ou de l'interdiction qu'Allah leur a assignée. Une telle opinion surprend beaucoup de chercheurs et les incite à la réflexion et à la méditation.

Quant à moi, il n'y a pour moi aucun motif d'étonnement ou d'équivoque, car les Chiites Imâmites recouraient autant à la science rationnelle qu'à la science instrumentale pour traiter de certaines questions religieuses. Leur opinion sur le beau et le laid, en tant que qualité essentielle dans les choses, est identique à celle des Mu`tazilah.

Ici, une question se pose, à laquelle je m'apprête à répondre. Il s'agit de savoir si les Chiites ont subi, à cet égard, l'influence des Mu`tazilites ou bien si, au contraire, ce sont les Mu`tazilites qui ont été influencés par les Chiites. La réponse est que, contrairement à une idée fausse largement répandue parmi les chercheurs, ce ne sont pas les Chiites qui ont subi l'influence des Mu`tazilites, mais l'inverse. J'affirme cela sans risque de me tromper car le Chiisme, en tant que doctrine, est antérieur au Mu`tazilisme, en tant que doctrine, et les figures de proue du Chiisme existaient bien avant les têtes pensantes du Mu`tazilisme. Je fonde mon affirmation sur des vérités historiques que personne ne songe à contester, à savoir que la première génération Chiite commença à se former à l'époque des Califes Bien-Dirigés et se développa sous le Califat de l'Imam Ali. Et, à peine l'Imam Ali était-il tombé en martyr, que les Chiites étaient devenus un parti qui égalait tous les partis politiques et religieux de l'Islam4.

Il en résulte que je suis à même de mettre en évidence, à l'intention du lecteur averti, que le Chiisme, contrairement aux affirmations des auteurs déformateurs de la vérité et Omayyades, n'est pas une doctrine purement "instrumentale" fondée sur des traditions religieuses imprégnées de mythes, d'illusions, de superstitions, et de glissements judaïques, ni découlant dans ses principes de Abdullah ibn Saba' ou d'autres personnages légendaires. Le Chiisme, selon notre méthode de recherche scientifique moderne, est tout à fait le contraire de ce qu'insinuent ses détracteurs.

En effet, le Chiisme est la première doctrine musulmane qui ait réuni à la fois l'instrumental (les traditions transmises) et le rationnel, et qui ait réussi, à la différence des autres doctrines musulmanes, à suivre une voie globale et de large horizon. Sans ce trait distinctif consistant à concilier le "rationnel" et l’"instrumental" qui les caractérise, les Chiites n'auraient pas eu cet esprit de rénovation dans l'ijtihâd et de développement dans leurs questions jurisprudentielles, leur permettant de s'adapter aux changements de lieu et d'époque sans s'écarter de l'esprit de l'éternelle Chari`ah islamique.

Voyons maintenant une troisième image captivante de ce livre, image qui pourrait paraître, de prime abord, en contradiction avec la méthode rationnelle dont le Chiisme est armé et que nous venons de souligner. Il s'agit de la pratique de la visite des tombeaux et des mausolées des Imams d'Ahl-ul-Bayt et des personnages pieux de l'Islam, et de l'adoration d'Allah (la Prière prescrite, les réunions religieuses, les cérémonies commémoratives) près de ces tombeaux et de ces mausolées des Saints des Musulmans. Ce genre de pratiques est considéré par les Musulmans empiristes et rationalistes modernes comme illégal et superstitieux, et il y a même certains groupuscules musulmans, tels les adeptes d'Ibn Taymiyyeh et ceux de son disciple Mohammad ibn Abdul Wahhâb, le fondateur de la doctrine wahhabite, qui n'hésitent pas à qualifier ces pratiques d'impiété et d'hérésie.

Évidemment, la majorité des Musulmans, et tous les modérés parmi eux, sont opposés à cette position extrémiste, et s'accordent unanimement avec leurs Frères Chiites Imâmites sur leur pratique évoquée ci-dessus, car les deux partis (les Chiites, et la majorité des Musulmans) croient que les gens pieux et tous les hommes de la Terre ne peuvent nous être utiles que dans ce qu'Allah décide pour nous, et ne peuvent nous nuire que lorsque Allah le veut. Par conséquent, les hommes ne peuvent avoir de l'influence sur nous, et ne peuvent nous être utiles ou nuisibles, qu'avec la Permission d'Allah. Donc, visiter les tombeaux des hommes pieux, n'a d'autre signification ni d'autre effet que le désir de suivre leur bon exemple, leur haute moralité islamique, et les pratiques qui en découlent son tout à fait admises chez les deux parties, Chiite et Sunnite.

Le quatrième point qui a suscité mon admiration en lisant ce livre, c'est la façon claire et éloquente dont l'auteur montre l'influence de la méthode rationnelle sur les penseurs Chiites, et pourquoi ceux-ci croient à l'unité des Attributs et de l'essence d'Allah, c'est-à-dire que les Attributs d'Allah sont Son Essence même, et comment ils conçoivent la question de "la Décision et du Destin"5, c'est-à-dire si l'homme est libre ou prédéterminé dans ses actions et son destin.

Le cinquième point développé dans ce livre, et par lequel nous terminerons notre introduction, est la question de Badâ', dont le sens apparent est de faire quelque chose puis de l'effacer, et que les Chiites Imâmites attribuent à Allah, mais pris dans un sens tout-à-fait différent. Or, étant donné que le Badâ', dans son sens apparent, est plutôt un attribut des êtres créés, puisque faire quelque chose puis l'effacer est signe d'une pensée précipitée, de correction après l'erreur, et de connaissance après l'ignorance, beaucoup de penseurs ont décrié les Chiites pour avoir attribué le Badâ' à Allah, alors que ceux-ci sont à cent lieues de l'attribuer dans son sens courant et apparent à Allah. En effet, les ulémas Chiites et Sunnites sont d'accord pour dire que la Science d'Allah est Ancienne (Éternelle) et à l'abri de tout changement, de toute modification, et de toute réflexion, qui sont le propre des êtres humains. Ce qui est susceptible de changement et d'effacement après avoir été établi, c'est seulement ce qui apparaît sur la "Table Préservée" (al-Lawh al-Mahfoudh), puisque le Très-Haut dit: "Allah efface ce qu'Il veut et confirme ce qu'Il veut...".6

Prenons un exemple de la signification du Badâ' chez les Chiites pour illustrer leur croyance à cet égard. Allah a écrit, au début de la vie de quelqu'un, qu'il sera malheureux. Mais cet individu se repent alors qu'il est arrivé à l'âge de quarante ans, et il sera inscrit, sur la "Table Préservée", parmi les heureux. Le Badâ' consiste ici en l'effacement du nom de cet homme de la liste des malheureux et dans son inscription sur la liste des heureux. Quant à la Science d'Allah (Sa Connaissance de cette question), elle couvre toutes les étapes de cette affaire: l'inscription, l'effacement, puis la nouvelle inscription après le repentir. C'est-à-dire qu'Allah sait à l'avance que l'homme en question sera d'abord malheureux, puis heureux lorsqu'Il lui aura inspiré la repentance.

Ainsi donc, ceux qui ont dénoncé la croyance du Chiisme au Badâ' ont appliqué ce terme à la Science éternelle d'Allah, alors que les Chiites Imâmites l'appliquent uniquement à ce qui est écrit sur la "Table Préservée". (...)

A mon avis, la croyance au Badâ' est la seule explication qui s'offre à nous, de l'Abrogeant et de l'Abrogé (al-Nâsekh wal-Mansoukh) dans le Coran, et du secret de la révélation progressive des Versets concernant l'interdiction du vin et des étapes de cette interdiction. Allah a voulu, par cette progression, traiter la déviation de l'âme humaine et la débarrasser peu à peu des chaînes de l'habitude tenace, afin qu'elle ait le temps et les occasions de se réformer. S'IL avait imposé cette interdiction d'un seul coup, il aurait été difficile pour les victimes de cette habitude tenace de se réformer. Tel est le Badâ' auquel croit le Chiisme.

Le Caire, 17/06/1381 H. soit 25/11/1961 ap. J.-C.

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1. Voir: "Açl al-Chî`ah wa Oçoulahâ" de Mohammad Hussain Kâchef al-Ghetâ'.

2. Il s'agit de Sayyed Mortadhâ al-Redhwî al-Kechmîrî.

3. De nombreux ulémas Sunnites l'ont considéré comme un inventeur, tandis que les soufis sont unanimes pour le qualifier ainsi (inventeur), (note de l'auteur de l'introduction - Dr. Hâmid Hafni).

4. En réalité le Chiisme vit le jour du vivant du Saint Prophète, car il représente la thèse fondamentale de l'Islam. En effet selon le Hadith, le Prophète dit à l'Imam Ali: «O Ali, toi et tes Chiites, vous serez au Paradis», cela montre clairement l'existence des gens qui étaient les Partisans de l'Imam Ali dans la mesure où il représentait le courant qui traduisait le mieux les vues du Saint Prophète et de l'Islam authentique. (Pour les références du Hadith cité, voir en français: "L'Émergence du Shi`isme et des Shî`ites" de Sayyid Muhammad Bâqir al-Sadr, France, 1995)

5. "al-Qadhâ' wal-Qadar"

6. Sourate al-Ra'd, 13, verset 39
La Nécessité de Connaître les Fondements de la Doctrine/
Nous, Chiites Imâmites Duodécimains, croyons qu'Allah a favorisé l'homme de la faculté intellectuelle et du pouvoir de raisonnement, et qu'Il lui a commandé de méditer sur Sa Création, de chercher les signes de celle-ci et de réfléchir à Sa Sagesse et à Son Pouvoir concernant la création de l'ensemble de l'univers et de son propre existence.

Le Tout-Puissant Allah dit dans le Saint Coran: «Nous leur montrerons bientôt Nos Signes, dans l'univers et en eux-mêmes, jusqu'à ce qu'ils voient clairement qu'Allah est la Vérité» (Sourate Foççelat, 41:53).

Dans une autre sourate, Allah fustige ceux qui suivent (indûment) leurs ancêtres: «Ils disent: "Nous suivons la coutume de nos pères". Et si leurs pères ne comprenaient rien? Et s'ils ne se trouvent pas sur la Voie Droite?» (Sourate al-Baqarah, 2:170).

Allah condamne de la même façon ceux qui sont guidés par leurs conjectures: «Ils ne suivent que des conjectures et ne prêchent que la fausseté» (Sourate al-An`âm, 6:116).

En vérité, notre croyance n'est que le résultat de ce que nous a dicté notre raison, qui nous a conduit à réfléchir sur la création de l'univers1, et à connaître par conséquent le Créateur. De même, c'est notre sens du raisonnement qui nous conduit à examiner la revendication de la Prophétie par quelqu'un et ses miracles. Il n'est pas convenable pour nous de suivre les autres, quelque haute que soit leur position. En réalité le Saint Coran nous incite à chercher le savoir et à tendre à la perfection, tout comme nous y incite notre propre raison innée. Ce que le Coran stipule ici est la confirmation de la tendance naturelle de la libre pensée de tous les hommes sensés. Le Coran ne fait qu'attirer notre attention sur notre tendance naturelle au savoir et à la réflexion. Il éveille notre esprit et l'oriente vers les exigences naturelles de la sagesse2.

Ceci dit, il n'est pas raisonnable que l'homme se contente de suivre les éducateurs ou toute autre personne, ou de dépendre d'eux quant aux questions relatives à la croyance. Non, il doit, selon son intellect inné, corroboré par les textes coraniques, examiner, étudier et penser les fondements de ses croyances3 sur les points suivants:

1- Le Monothéisme (Tawhîd)

2- La Prophétie (Nobowwah)

3- L'Imamat (Imâmah)

4- La Résurrection (Ma`âd)4

Quiconque suit ses ancêtres, ou d'autres, en ce qui concerne ces principes, aura commis une grosse erreur et dévié du droit chemin, et sera impardonnable.

En un mot, l'essence de nos croyances se résume dans deux points principaux:

1) L'obligation d'étudier et de connaître les Fondements de la Croyance et l'interdiction de suivre les autres dans ce domaine.

2) Cette obligation est une obligation rationnelle avant d'être une obligation légale, ce qui veut dire que notre compréhension de ces Fondements ne doit pas découler des Textes religieux, mais de notre bon sens commun, bien qu'on puisse s'appuyer sur les Textes religieux après avoir établi la preuve rationnelle.

La signification de l'obligation de reconnaître les principes fondamentaux de la croyance est que l'intelligence elle-même perçoit la nécessité de reconnaître les principes de la croyance et la nécessité de leur accorder une attention réfléchie.
Les Branches de la Religion
En ce qui concerne les Branches de la Religion, il n'est pas nécessaire qu'un Musulman essaye de les comprendre par le raisonnement et la preuve. Il a la possibilité de choisir l'une des trois voies suivantes pour les comprendre et les appliquer.

1)- Acquérir la compétence dans l'Ijtihâd5 et, de ce fait, tirer des conclusions fondées sur le Saint Coran et les

Traditions (la Sunnah), et agir conformément à ces conclusions. Ou

2)- Observer la "précaution"6 dans ses actes (relatifs aux Branches de la Religion) en suivant, entre les différents avis concernant chacun de ses actes, celui qui lui semble le plus correct. Pour ce faire, il doit examiner et comparer les décrets (les Fatwâ) de différents Mujtahid sur le sujet. Ou

3) Suivre un Mujtahid7 qui remplisse toutes les conditions de l'ijtihâd, c'est-à-dire quelqu'un qui soit prudent et sage, qui ait pris soin de ne pas commettre de péchés, qui ait défendu sa Religion, et surtout quelqu'un qui obéisse aux Commandements Divins et qui de plus possède la faculté de déduire des conclusions à partir de l'étude du Saint Coran et de la Sunnah8.

Donc, si une personne n'est pas un Mujtahid, ni n'observe la "Précaution", ni ne suit un Mujtahid pleinement qualifié, tous ses actes religieux seront nuls et inacceptables par Allah, même si elle a passé toute sa vie à prier et à faire le jeûne, sauf dans le cas où ses actes passés auraient été conformes aux décrets d'un Mujtahid qu'elle aura suivi vers la fin et où, en accomplissant ses actes religieux, elle aurait formulé mentalement l'intention de les accomplir pour l'amour d'Allah9.
L'Ijtihâd (Raisonnement juridique)
l'Ijtihâd (procédé de déduction des statuts légaux) à partir de la Chari`ah (la Loi islamique) dans le cas des lois religieuses devient une "obligation de suffisance" pour tous les Musulmans en l'absence de l'Imam du Temps10, ce qui veut dire que si un grand nombre ou un nombre suffisant de Musulmans se chargent de cette obligation, les autres Musulmans ne sont plus tenus de l'accomplir, étant donné qu'ils peuvent dépendre des Mojtaheds qui ont rempli les exigences de l'Ijtihâd concernant les lois religieuses.

Il est obligatoire pour les Musulmans de toutes les époques de faire attention à ce sujet. Chaque fois qu'un certain nombre de personnes se proposent de se perfectionner en matière d'Ijtihâd, et qu'elles atteignent le niveau de Mujtahid, en remplissant toutes les conditions requises de compétence pour cette tâche, les gens devraient les suivre dans tous les actes et Commandements religieux, et si ces personnes (Mojtaheds) ne sont pas accessibles, on doit recourir soi-même à l'Ijtihâd. Au cas où il est impossible ou très difficile pour tous les Musulmans d'entreprendre l'Ijtihâd, ils devraient choisir quelques-uns d'entre eux pour accomplir cette tâche. En tout état de cause, il n'est pas permis qu'ils se contentent de suivre les décrets d'un Mujtahid déjà mort11.

Pratiquer l'Ijtihâd signifie s'efforcer de déduire soi-même des règles à partir des lois islamiques que le Saint Prophète a apportées avec lui, et qui restent immuables à toutes les époques et dans toutes les sociétés. Ce qui a été déclaré légal (halâl) par lui, restera légal jusqu'au Jour du Jugement, et de la même façon, ce qui a été déclaré illégal par lui, restera illégal (harâm) jusqu'au Jour du Jugement12.

Les bases de l'Ijtihâd sont les suivantes:

1- Le Saint Coran

2- La Sunnah (c'est-à-dire les paroles et la conduite du Saint Prophète et des Saints Imams)

3- L'Ejmâ' (Le consensus unanime)

4- Le `Aql (La Raison)

La nature de la preuve de chacune de ces bases est traitée en détail dans les livres d'Uçûl al-Fiqh (Les Fondements de la Jurisprudence). Notons au passage que pour atteindre le niveau de Mujtahid, il est indispensable de faire des efforts soutenus considérables en la matière, et que l’accession à cette position n’est possible pour quiconque que s’il se consacre à cette tâche et fait tout ce qui est en son pouvoir pour acquérir de très larges connaissances et avoir la compétence de saisir la Vérité qui se trouve sous-jacente dans les faits13.
Le Rôle du Mujtahid
le Mujtahid remplissant toutes les conditions requises est le représentant de l’Imam durant son absence. Il est le gouvernant et l’autorité suprême de tous les Musulmans, et il accomplit ses fonctions en l’absence de l’Imam en ce qui concerne les décrets (les Fatwâ) et l’administration de la justice. Quiconque fait fi de l’autorité du Mujtahid, aura fait fi par là même de l’autorité de l’Imam. Or, faire fi de l’autorité de l’Imam équivaut à faire fi de l’Autorité Divine, c’est être à la limite du polythéisme, comme l’a expliqué l’Imam Ja`far al-Çâdeq14 (voir : Wilayaté Faqih de l’Imam Khomeiny).

La tâche de Mujtahid remplissant toutes les conditions requises ne se limite pas à promulguer des décrets; il constitue une autorité générale sur tous les Musulmans. Ainsi les gens doivent s’en remettre à lui pour ce qui concerne le jugement, l’arbitrage et les sentences, domaines qui lui appartiennent exclusivement et dont personne d’autre n’a le droit de se charger sans son autorisation. De même, il n’est permis à personne d’appliquer des sanctions pénales sans son ordre et son jugement15.

Le Mujtahid doit également être consulté pour la distribution des biens revenant effectivement à l’Imam16. Cette autorité exclusive a été accordée par l’Imam au Mujtahid afin qu’il agisse en son nom (de l’Imam) pendant son absence. C’est pour cette raison que le Mujtahid est appelé le député de l’Imam.

________________________
1. Les uléma musulmans ont écrit d'innombrables livres relativement à la question de la réflexion sur laquelle repose la théorie de la connaissance. Ils ont affirmé unanimement l'obligation pour chaque Musulman de connaître soi-même (par la réflexion) Allah, car cette connaissance constitue la complétion de la Religion et sa première exigence. Al-Allâmah al-Hellî écrit à cet égard: "Les uléma ont été unanimes pour dire qu'il est obligatoire pour chacun de connaître soi-même Allah, Ses Attributs positifs et négatifs, ce qui s'applique et ce qui ne peut s'appliquer sur Lui, la Prophétie, l'Imamat et la Résurrection par le raisonnement (la preuve) et non par l'imitation passive d'autrui (...). La profusion d'ouvrage écrit par les chefs spirituels de la Communauté musulmane est un signe révélateur de son importance. En tout état de cause, outre la tendance des uléma musulmanes à fonder la connaissance sur la preuve, la plupart des philosophes non musulmans - aussi bien ceux qui fondent la structure cognitive sur les évidences rationnelles, que ceux qui la fonde sur les connaissances expérimentales - s'accordent pour dire que la connaissance doit reposer sur une preuve correcte. (Voir: Al-Cheikh al-Bahâdlî, "Cours sur la Doctrine Islamique", pp. 47-52).

2. En effet, Allah dit: «Dis: "Considérez ce qui est dans les Cieux et ce qui est sur la terre"» (Sourate Younes, 10:101). Et : «Dis: "Parcourez la terre et considérez comment il donne un commencement à la création"" (Sourate al-`Ankabout, 29:20). Et : "Ne considèrent-ils pas comment les chameaux ont été créés; comment le ciel a été élevé; comment les montagnes ont été placées; comment la terre a été aplanie? Fais entendre le rappel! Tu n'es que celui qui fait entendre le Rappel"» (Sourate al-Ghâchiyah, 88:17-21). Et : «N'ont-ils pas réfléchi en eux-mêmes?» (Sourate Al-Roum, 30:8). Et : «Sache qu'en vérité, il n'y a de divinité qu'Allah!» (Sourate Mohammad, 47:19). Et : «Ont-ils choisi des dieux en dehors de Lui? Dis-leur: "Apportez donc votre preuve décisive!"» (Sourate al-Anbiyâ', 21:24).

3. Les croyances mentionnées dans ce traité ne sont pas toutes des croyances fondamentales. Beaucoup d'entre elles, telles que le Décret et le Destin (al-Qadhâ' wal Qadar), le "Retour" (al-Raj`ah) etc... ne commandent pas qu'on y croit ni qu'on y réfléchisse obligatoirement. Il est permis pour ce genre de croyances de s'appuyer sur quelqu'un de crédible, tels les Prophètes et les Imams. Beaucoup de nos croyances de ce type sont fondées sur des hadiths authentiques rapportés de nos Imams.

4. "La Justice" aussi est un Attribut indissociable d'Allah, et ce sujet est discuté dans une étude comparative spéciale. Aussi, l'auteur n'a-t-il pas estimé nécessaire de le développer ici.

5. Etymologiquement, le mot "Ijtihâd" est dérivé de "johd" - effort-, c'est-à-dire s'efforcer de faire quelque chose. En tant que terme technique jurisprudentiel chiite, il signifie : "déduire le statut légal de ses références établies". Selon d'autres avis, la définition la plus adéquate du mot ijtihâd serait : "Le don d’obtenir des arguments étayant les statuts légaux ou les devoirs pratiques, légaux ou rationnels". Le Mujtahid (celui qui pratique l'ijtihâd) est de deux sortes : mujtahid absolu et mujtahid partiel. Le premier est à même de pratiquer la déduction de statuts dans toutes les branches de la jurisprudence", alors que le second est celui qui est "en mesure de déduire un statut légal dans certains branches de la jurisprudence et non toutes". Pour plus de détails sur ce terme technique islamique, voir : Mohammad Taqî al-Hakîm, "Les Fondements Généraux de la Jurisprudence Comparée", pp. 561-565.

6. La "Précaution" (ehtiyât) : C'est le fait d'agir de sorte à s'assurer que l'on s'acquitte bien de ses obligations religieuses.

7. C'est le fait de s'acquitter de ses obligations conformément aux indications et aux décrets du mujtahid.

8. Voir: "Tafsîr al-`Askarî", p. 300; "Al-Ehtejâj", 2/511, Hadith No. 337.

9. Pour plus de détails à ce sujet, voir :"Menhâj al-Çâlehîn", Vol.1 de l'Ayatollâh al-Odmâ, Sayyed Ali al-Hosaynî al-Sestânî, p. 9.

10. L'Imam Mohammad al-Mahdi, fils de l'Imam al-Hassan al-`Askarî, le dernier des Douze Imams, eut deux occultations. - La première, dite l'Occultation mineure (al-Ghaybah al-Çoghrâ) avait débuté l'année où son père, l'Imam al-Hassan al-`Askarî, décéda (260 A.H.) et elle se termina en l'an 329 A.H. Pendant cette occultation, quatre Ambassadeurs (représentants) le représentaient auprès de ses adeptes. Ils étaient : 1- `Othmân Ibn Sa`îd al-`Amrî al-Asadî, lequel avait été tour à tour, le représentant de l'Imam al-Hâdî (le dizième Imam), de l'Imam al-`Askarî (le onzième Imam) avant de représenter enfin l'Imam al-Mahdî. 2- Mohammad Ibn `Othmân Ibn Sa`îd al-`Amrî al-Asadî, lequel succéda à son père après son décès dans sa fonction d'ambassadeur de l'Imam al-Mahdî. Il occupa cette fonction jusqu'à sa mort en 305 A.H., soit pendant environ quarante ans. 3- Al-Hussayn Ibn Rouh, lequel remplaça son père après son décès et représenta l'Imam jusqu'à sa mort en 326 A.H. 4- Ali Ibn Mohammad al-Samrî, le dernier des quatre ambassadeurs. Il se chargea de la représentation de l'Imam Occulté, pendant trois ans, c'est-à-dire jusqu'à sa mort le 15 Cha`bân 329 A.H. Il est de notoriété publique que ces quatre ambassadeurs furent enterrés tous à Bagdad, après leur mort, et que leurs tombeaux sont connus jusqu'à nos jours. - La seconde, dite l'Occultation majeur, commença le 15 Cha`bân 329 A.H. avec le décès du quatrième ambassadeur et continue encore. Lorsqu'on demanda à ce dernier qui lui succédera à la fonction du représentant de l'Imam al-Mahdî après lui, il laissa entendre que l'Imam l'avait informé qu'avec sa mort commencerait l'Occultation majeure, pendant laquelle la représentation de l'Imam est dévolu au mujtahid remplissant les conditions requises qui sont expliquées dans les livres de jurisprudence (Fiqh). Pour plus de détails concernant l'Occultation, voir: "Al-Ghaybah al-Çoghrâ" de Sayyed Mohammad al-Sadr, Chapitre 3, p. 395.

11. L'imitation passive (taqlîd) d'un Mujtahid déjà mort est de deux sortes:

1- Primaire (ebtedâ'î) 2- Persistante (baqâ'î) - L'Imitation passive primaire consiste à suivre un Mujtahid mort sans l'avoir déjà suivi de son vivant. Ce type de taqlîd n'est pas permis quand bien même le Mujtahid mort était plus compétent que les Mujtahids vivants. - L'Imitation passive persistante est le fait d'avoir suivi un Mujtahid de son vivant et de continuer à le suivre après sa mort. Ce type d'imitation passive (taqlîd) est permis, si le mujtahid mort était plus compétent que les Mujtahid vivants. Pour plus de détails sur ce sujet, voir: "Al-`Orwah al-Wothqâ". 1/17-18 et "Al-Masâ'el al-Montakhabah" d'al-Sayyed al-Sestânî, Article 12, 13, 14.

12. Voir: "Al-Kâfî", 1/58, H. 19 et "Al-Mahâsen", 1/420, H. 963.

13. Pour atteindre le degré ou la dignité de mujtahid, celui-ci devait avoir étudié neuf sciences: trois littéraires (la linguistique, la morphologie, la grammaire), trois rationnelles (la Science des Fondements, la Science de la Parole - `ilm al-Kalâm - La Logique) et trois instrumentales (le Tafsîr - exégèse - du Coran, la Science de Hadith, la Science de Rejâl - biographie des rapporteurs de Hadith). Pour plus de détail, voir: "Al-Wâfiyah fî Oçoul al-Feqh" d'al-Tonnî, pp. 250-290; "Al-Qor'ân wal-`Aqîdah" de Sayyed Hammoud al-Hellî, pp. 248-252.

14. Welâyat al-Faqîh (le Pouvoir du Faqîh) est l'expression du pouvoir légal et de la souveraineté juridique du mujtahid remplissant les conditions requises, lequel est considéré comme le prolongement de la mission de l'Imamat. "Welâyah al-Faqîh" n'est pas une invention des époques modernes. Ses racines remontent plutôt à la première époque de l'Islam et aux époques des Imams Infaillibles. En tant que prolongement de l'Imamat, elle représente celui-ci relativement aux fonctions générales, et s'en différencie pour ce qui a trait à la désignation particulière de chaque faqîh par un autre et à l'Infaillibilité, laquelle appartient exclusivement au Prophète et aux Douze Imams après lui. En effet l'Infaillibilité et la désignation sont le domaine réservé des Infaillibles. Il est indispensable de comprendre que le pourquoi de la nécessité de la Welâyah al-Faqîh à l'époque de l'Occultation réside en ceci que le Pouvoir du Faqîh signifie la présence de l'argument d'Allah devant les gens (le fait d'indiquer aux gens la voie d'Allah), la direction temporelle de leurs intérêts et l'administration de leurs affaires à la lumière de la Loi islamique. L'un des buts de ce Pouvoir est la sauvegarde des statuts légaux, car la mission de la législation en Islam est le domaine réservé d'Allah. Quant aux statuts légaux relatifs aux différents domaines de la vie - et notamment en ce qui concerne les événements nouveaux - ils ne sont en fait que des applications des lois déjà promulguées et communiquées par le Prophète, de son vivant. L'Imam al-Mahdi a dit : «Quant aux statuts des événements nouveaux, vous devrez vous référer aux rapporteurs de nos hadith pour les connaître, car ces derniers sont mon argument auprès de vous, alors que je suis l'argument d'Allah auprès d'eux.»

15. En témoigne ce que Omar Ibn Handhalah rapporte de l'Imam al-Çâdeq : «J'ai demandé à Abû Abdullâh (al-Çâdeq) s'il est légal que lorsqu'il y a un litige à propos d'une dette ou d'un héritage entre deux individus de notre communauté, ceux-ci recourent à l'arbitrage des autorités ou des juges (non légitimes)? Il a répondu: "Quiconque demande leur arbitrage, son acte équivaudrait à la demande d'arbitrage du Tâghout (tyran-injuste), et ce qu'il obtiendrait par ce jugement serait illicite quand bien même il s'agissait d'un droit établi pour lui, étant donné qu'il a obtenu son droit par le jugement du Tâghout, celui-là même en qui Allah a ordonné de mécroire, puisqu'IL dit : «Ils veulent s'en rapporter aux Tâghout bien qu'ils aient reçu l'ordre de ne pas croire en eux» (Sourate al-Nesâ', 4:60)". Je lui ai demandé alors: "Et que devrait-ils faire donc ?" Il a répondu: "Qu'ils cherchent parmi vous quelqu'un qui a rapporté nos hadith, qui a réfléchi sur ce que nous avions décrété licite et qui connaît nos jugements, et qu'ils le choisissent comme juge. Car j'ai choisi comme juge entre vous quelqu'un qui répondrait à ces qualités. S'il juge conformément à nos vues et que l'une des parties se moquait de son jugement, il se serait moqué du jugement d'Allah..."». Voir: "Wasâ'el al-Chî`ah", 27/260, H. 33416; "Al-Kâfî", 1/54, H. 10; "Al-Ehtejâj", 2/260, H. 232; "Tahthîb al-Ahkâm", 6/218, H. 514 et p. 301, H. 840.

16. Il s'agit des impôts de la Zakât et du Khoms. La Zakât est l'une des nécessités de la Religion. Selon différents hadiths, quiconque refuse d'acquitter la Zakât est mécroyant, et quiconque ne paie pas la Zakât, sa prière n'est pas acceptée etc. La Zakât est obligatoire sur neuf choses : 1-Les trois sortes de bétail : 1) Les chameaux, 2) Les ovins, 3)Les bovins. 2-Les deux monnaies: 1) L'or, 2) L'argent. 3-Les quatre récoltes: 1) Le blé, 2) L'orge, 3) Les dattes, 4) Les raisins secs.

Les destinataires de la Zakât sont : Le pauvre,

2- Le nécessiteux, 3- Les percepteurs de la Zakât, 4- Les "Coeurs à rallier" (des gens qu'on espère rallier à la cause de l'Islam en leur payant une allocation), 5- L'affranchissement d'esclaves, 6- Un débiteur insolvable, 7- Un voyageur à court d'argent, 8- Sur la voie d'Allah (pour toute bonne oeuvre et surtout pour tout ce qui sert l'intérêt général). Il est à noter que les statuts de la Zakât chez les Chiites sont tous en accord avec ceux des quatre Écoles juridiques sunnites. Pour plus de détails voir : "Al-`Orwah al-Wothqâ", 2/87-134; "Al-Masâ'il al-Montakhabah" d'al-Sayyed al-Sistânî, pp. 213-233; "Açl al-Chî`ah wa Oçoulohâ", édition annotée de la Fondation de l'Imam Ali, p. 243.

Khoms : Pour les Chiites, c'est un droit prescrit par Allah pour la Famille du Prophète en remplacement de l'aumône pieuse (Çadaqah) de la Zakât qu'IL leur interdit de toucher. L'impôt de Khoms a pour fondement le verset coranique : «Sachez que le cinquième appartient à Allah, au Prophète et à ses Proches...» (Sourate al-Anfâl, 8:41). Le Khoms est obligatoire sur sept choses : 1- Les butins de guerre pris sur les incroyants dans une guerre autorisée par l'Imam. 2- Les métaux: or, argent, plomb, etc 3- Le Trésor 4- Les joyaux extraits du fond de la mer par plongeon 5- Un bien licite mélangé à un bien illicite de telle sorte qu'il n'est pas possible de le distinguer du premier et dont le propriétaire et la quantité sont inconnus. 6- Le terrain d'un Musulman acheté par un Protégé (thimmî) 7- Les gains réalisés par le commerce ou le travail après déduction des dépenses nécessaires de l'année.

Les revenus du Khoms se divisent en six parts selon ses destinataires : 1-Allah, 2-Le Prophète, 3-L'Imam (ces trois parts reviennent à l'Imam al-Mahdi), 4-Les orphelins, 5-Les nécessiteux, 6-Le voyageur à court d'argent. Pour plus de détail, voir : "Al-`Orwah al-Wothqâ", 2/170; "Al-Masâ'il al-Montakhabah", d'al-Sayyed al-Sistânî, pp. 239-251; "Açl al-Chi`ah wa `oulohâ", p. 245.
La Croyance en Allah
’Allah est Un et Unique, et sans pareil. IL est Éternel, le Premier et le Dernier, ce qui veut dire qu’IL existait avant la Création et qu’IL demeurera après la fin de la Création. IL est Toujours Vivant, Sage, Puissant, Indépendant de toutes choses, Tout-Entendant, Tout-Voyant, Omniscient et Juste. On ne peut pas Le comparer avec Ses créatures. IL n’a ni corps, ni forme, ni substance, ni figure. IL n’est ni lourd, ni léger, ni mobile, ni immobile. IL est au-dessus du temps et du lieu puisqu’IL est le Créateur. Personne ne peut Le localiser, puisqu’Il n’est pas confiné dans un lieu1. Personne ne Lui est similaire et personne ne peut être Son égal. IL n’a ni épouse, ni progéniture, ni partenaire, et personne n’est comparable à Lui. La vision ne peut Le percevoir alors qu’IL perçoit toutes les choses.

Quiconq

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