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Le Mahdi, ou la Fin du Temps by : Ayatullah Muhammad Baqer as-Sadr

 

Ce livre etait à l'origine une preface destinee à un grand ouvrage1 sur l'Imam al-Mahdi. (‘aj) .

Mais vu son importance, sa methodologie scientifique et la notoriete de son auteur, il fut publie comme un livre à part.

Aussi ne doit-on pas esperer y trouver une etude documentaire ni des details historiques inedits sur l'Imam al-Mahdi, une telle recherche etant largement menee dans de nombreux ouvrages specialises à cet effet.

Mais le merite et l'originalite de ce livre reside d'une part dans le fait qu'il repond à l'essentiel de la question d'al-Mahdi - à savoir pourquoi et comment croire à al-Mahdi? - et d'autre part dans sa methodologie scientifique.

En effet, après avoir rappele que "l'idee" d'al-Mahdi - l'avènement d'un "Messie Annonciateur" de la fin des temps - fait l'objet de la croyance unanime de toutes les ecoles juridiques islamiques - et non pas des Chi'ites seulement - et qu'elle est même anterieure à la naissance de l'Islam, il note que l'incarnation de cette "idee" dans la personne de l'Imam al-Mahdi, (disparu depuis plus de mille ans et toujours vivant - selon la croyance des Chi'ites imâmites duodecimains2) soulève une serie d'interrogations et un certain scepticisme chez beaucoup de Musulmans. Après quoi, il regroupe ces interrogations sous forme de sept questions principales et s'applique à y repondre selon une methodologie scientifique qu'aucun esprit rationnel ne saurait contester, pour nous montrer que ce qui semblerait ordinairement inconcevable - la longevite d'al-Mahdi, plus de mille ans - peut être scientifiquement possible et logique-ment plausible lorsqu'on procède par une analyse scientifique et un examen approfondi du problème.

L'interêt de ce livre ne se limite donc pas à la reponse qu'il apporte aux interrogations des croyants, mais peut s'etendre egalement aux materialistes, aux incredules et aux inconditionnels de "la preuve scientifique", tout au moins par sa methodologie, qui consiste à traiter scientifiquement une question de la metaphysique, du prodige et du surnaturel.
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1. ecrit par Sayyed Mohammad al-Sadr, disciple et proche parent de l'auteur du present livre.

2. Qui croient à la legitimite exclusive des douze Imams d'Ahl-ul-Bayt à la succession du Prophète.

du Dr Hamid Hafni Daûd,
chef du departement de la litterature arabe
à la Faculte de linguistique,
Universite Ayn Chams, Egypte.

Le Professeur Mohammad Bâqer al-Sadr est un savant erudit, et une personnalite brillante qui fait la fierte de la pensee moderne. Ses livres, ses recherches et ses articles se distinguent par une objectivite depouillee de toute position partisane, passionnelle ou d'interêt personnel. De là les etudes dans tous les domaines qu'il a abordes ont-elles valeur de valeurs intellectuelles, si j'ose dire.

En effet, il est l'un des rares savants à allier dans son style les deux piliers de l'originalite de l'expression:

a) la peinture artistique

b) le style scientifique et de procès-verbal.

Lorsqu'il aborde un sujet aussi delicat que celui d'al- Mahdi, il lui apporte sûrement un nouveau credit; car ce sujet relève du domaine du mystère et de la revelation, tout comme la "Descente de Jesus"1, la "Sortie d'al-Dajjâl", l' "apparition de l'âne", ainsi que bien d'autres questions dont l'idee ne peut être traitee par l'experience tangible dans les usines de la nature ou les laboratoires de chimie, et qui doivent être soumises à un autre type de demonstration, approprie à leur nature spirituelle; ou en d'autres termes les questions dont la demonstration repose sur l'experience spirituelle, si l'expression est exacte.

Si nous exceptons la première epoque de l'Islam - jusqu'à la fin du IIIe siècle de l'Hegire - les penseurs musulmans se sont divises en deux groupes face à la question d'al-Mahdi: un groupe qui croit fermement qu'al-Mahdi reapparaitra, le moment venu. Il fonde cette croyance sur des hadiths du Prophète, celui-ci etant un homme veridique dont les paroles sont certitudes.

Les penseurs appartenant à cette categorie - qui forment la majorite de la Umma - n'ont pas besoin de preuves et d'arguments pour croire à al-Mahdi; car leur foi en "al-Mahdi" est telle qu'elle atteint le degre de certitude, et ils ressemblent en cela à quelqu'un qui croit aux mystères comme s'ils se materialisaient sous ses yeux.

Cette foi, Dieu l'accorde à qui IL veut parmi les fidèles de la Umma2 du Maitre des Prophètes, Muhammad, Umma que Dieu a distinguee des autres nations selon le dire même de notre Messager: «Aucune autre Umma n'a reçu autant de certitude que la mienne».

Le second groupe - très minoritaire, Dieu merci - se comporte comme s'il croyait à une partie du Livre tout en en rejetant l'autre. Il entend analyser les questions religieuses dans les limites de la logique de sa raison, comme si les mystères et les textes reveles devaient se traiter de la même manière que les autres questions de l'univers. Il ne croit qu'à l'experience du laboratoire et recuse tout ce qui ne s'y rapporte pas.

On ne peut qualifier ces gens-là d'ignorants - car il y a parmi eux des hommes cultives et même specialises dans des cultures variees - ni de sots, car ils comptent des esprits intelligents et doues. Ils nous rappellent plutOt cette prière du Prophète: «O Mon Dieu! Je t'implore de me proteger d'une science inutile».

L'intelligence dont ils sont dotes, l'experience et la science qu'ils ont acquises ne leur servent à rien; car ils ne possèdent pas l'esprit de discernement ou la raison capable de resoudre les questions intellectuelles et les problèmes de la vie: en un mot la raison que j'ai tendance à qualifier de "raison canonique" à laquelle Dieu a confere l'efficacite et la faculte de marier l'instrumental3 et le rationnel.

Le niveau de ces gens-là - quel que soit le degre de specialisation qu'ils ont atteint dans leurs connaissances - s'arrête là où s'est arrête le niveau des materialistes, et ils sont par consequent prives du bienfait de cet evenement extraordinaire (le phenomène d'al-Mahdi) et de tous les faits religieux qui tiennent du prodige.

En outre, la "raison philosophique" est incapable de realiser les perceptions spirituelles alors que "la raison canonique" y parvient, comme nous l'avons explique.

A l'epoque moderne, ce chaos s'est accentue et etendu lorsque les gens ont ete eblouis par les progrès des sciences naturelles, et ont constate les grandes realisations dans la voie de la decouverte des secrets encore inconnus de l'univers, et le progrès enregistre par les savants materialistes quant aux moyens des differentes sciences, dont les applications sont devenues si evidentes dans les domaines de la technologie que l'homme se croit être à un niveau où il pourrait faire aboutir toutes ses revendications vitales et satisfaire avec facilite tous les besoins de sa vie, en appuyant tout simplement sur quelques boutons pour obtenir ce qu'il veut en temps de paix comme en temps de guerre.

Ayant vecu les applications de ces sciences naturelles à la maison, à l'usine et dans la rue, l'homme moderne en a subi l'influence, laquelle, s'est manifestee sous forme d'un doute obsedant à l'encontre de tout ce qui n'est pas materialiste, doute qui a atteint son âme et son cœur en le privant du bienfait de la certitude. C'est pourquoi il a renie tous ces prodiges, et est devenu incredule en ce qui concerne tous les miracles similaires.

Ainsi, parler de la metaphysique et des evenements rapportes tantOt par le Coran tantOt par la Sunna, est devenu une question speculative que le savant - si erudit et si competent soit-il - ne pourrait plus inculquer dans l'esprit de cette minorite de contemporains.

Les anciens Musulmans - aussi bien Sunnites que Chi'ites - ont ete unanimes sur la verite d'al-Mahdi, sur le fait qu'il est de la Famille du Prophète, qu'il est le descendant d'al-Hussayn, que Dieu le reformera en un jour ou en une nuit, qu'il fera regner la justice et l'equite sur la terre à un moment où celle-ci aura ete remplie d' injustice et d'iniquite, qu'il gouvernera sur la terre pendant sept ou neuf ans - selon les differents hadiths - qu'il conduira l'humanite au bonheur alors qu'elle aura sombre dans la misère, qu'il accueillera Jesus, fils de Marie, à sa "descente", que ce dernier priera derrière lui... ainsi que bien d'autres indications et predictions mentionnees dans environ 39 hadiths - de sources Sunnites - et 300 hadiths - de sources Chi'ites imâmites.

Donc le consensus chez les deux parties - Sunnite et Chi'ite - sur l'existence d'al-Mahdi, et sa reapparition lorsque le monde se trouvera en crise et que la situation des fidèles sera troublee, n'est pas sujet à caution. Mais là où les deux parties divergent, c'est lorsque les Chi'ites croient qu'al-Mahdi, fils d'al-Hassan al-'Askari, a disparu quelques annees après sa naissance benie, alors que les Sunnites sans avoir des doutes sur la verite d'al-Mahdi, croient toutefois que Dieu le creera le moment venu pour qu' il accomplisse les prodiges dont les hadiths parlent.

C'est donc à propos de la croyance selon laquelle la verite d'al-Mahdi (verite admise par tous les Musulmans) se rapporte bien à la personne de Muhammad al-Mahdi, fils de l'Imam al-Hassan al-'Askari que son Eminence le Professeur Mohammad Bâqer al-Sadr a choisi la methode scientifique pour demontrer au lecteur musulman - quelle que soit l'ecole juridique (math-hab) à laquelle il appartient - que cette croyance n'est pas en contradiction avec le "possible rationnel" et le "possible scientifique", bien qu'elle s'oppose à ce qui est "pratiquement possible".

Par consequent la demonstration de l'existence et de la vie d'al-Mahdi depuis le IIIème siècle de l'Hegire jusqu'à nos jours n'est pas inadmissible pour la raison, notamment sur les plans philosophique et scientifique, tout en etant difficilement concevable dans son application.

Le differend entre les Imâmites et les Sunnites ne concerne pas l'essentiel, à savoir la venue d'un homme qui reformera la Umma après une longue periode de souffrance et de persecution qui frappent durement les Musulmans, et notamment les adeptes de la voie idealiste, lesquels sont façonnes par les murs et la conduite des Ahl-ul-Bayt (la Famille du Prophète) en s'attachant aux ideaux mohammadites et aux valeurs islamiques, au mepris des philosophies realistes et materialistes qui favorisent les interêts personnels au detriment de l'interêt general de la Umma (la nation islamique).

Tous ces concepts qu'incarne la personnalite d'al-Mahdi font l'objet du consensus unanime des deux parties de la Umma et sont concordants chez toutes les ecoles islamiques politiques et jurisprudentielles. Si nous denombrions ici tous les hadiths rapportes par des gens parfaitement credibles, et dignes de la confiance de tous, concernant ce sujet, nous nous ecarterions de l'objet de cette preface. Il nous suffit, toutefois, de citer al-Majlici et al-Tûsi parmi les Chi'ites ja'farites, al-Safarini parmi les Hanbalites, al-Chûkâni parmi les Zaydites, ainsi que Siddiq Hassan Khan et Muhammad Ibn al-Hussayn al-Abiri.

Tout ce que ces hommes ont rapporte sur la personnalite d'al-Mahdi appartient aux conclusions des imams de l'ijtihâd absolu des huit ecoles jurisprudentielles, et notamment des cinq les plus adoptees d'entre elles, celles de l'Imam Ja'far al-Sâdiq (Ja'farite), de ses deux disciples Mâlik (Mâlikite) et Abou Hanifah (Hanafite), d'al-Châfi'i (Châfi'ite), d'Ibn Hanbal (Hanbalite).

Quant aux fondateurs des trois autres ecoles: al-imam Zayd (Zaydite), Abâdh (Abâdhite), Dâwûd al-Dhâhir (Dhâhirite), nous ne leur connaissons pas une seule parole qui renie cette verite.

Même ceux qui sont extremistes dans leurs recherches jurisprudentielles, tels que les Kharijites, Ibn Hazm, Ibn Taymiyyah et Ibn 'Abdul Wahhâb la confirment unanimement. Or chacun d'eux est, à notre avis, considere comme "mujtahid d'une ecole", bien qu'ils ne soient pas au niveau de la première categorie de l'ijtihâd absolu.

Le differend entre les Sunnites et les Chi'ites sur cette question est donc purement formel et ne constitue pas un veritable sujet de discorde. Il se limite à ceci que les premiers (les Sunnites) estiment que Dieu creera "al-Madhi", le moment venu, à la fin des temps, lorsque les crises se multiplient et deviennent aiguës, qu'il est de la Famille du Prophète, qu'il descend de Fâtimah, et qu'il constitue l'un des grands signes de l'Heure, comme l'affirme le hadith prophetique; alors que les seconds (Chi'ites) croient qu'il s'agit de Muhammad Ibn al-Hassan al-'Askari qui entra dans le caveau de Samarra'4 en l'an 2555 de l'Hegire, et que Dieu le fera reapparaitre à la fin des temps pour qu'il gouverne l'humanite selon la Voie sublime suivie par 'Ali Ibn Abi Tâlib et ses descendants.

De tels differends sont à notre avis formels, car le prodige d'al-Mahdi ne se limite pas au fait qu'il vit 1300 ans, mais reside surtout dans 1'acceptation des "gens des deux poids"6 (la Umma) de se soumettre à lui et de suivre sa Voie, ses ideaux et ses valeurs heritees du Prophète et des Imams "Bien Guides et Bons Guides d'Ahl-ul-Bayt".

Sans doute la doctrine adoptee par les Imamites dans ce domaine est-elle plus revelatrice du prodige d'al-Mahdi et encore plus, de l'honorabilite et de la noblesse de la position qu'il occupe dans la Umma, sans pour autant avantager une des deux parties - les Chi'ites et les Sunnites - par rapport à l'autre; car le critère de la doctrine se limite ici à l'essence du prodige et au Message par lequel Dieu qualifie al-Mahdi.

Le savant Mohammad Bâqer al-Sadr, lorsqu'il se penche sur le second aspect de ce prodige, veut en couvrir tous les aspects essentiels et formels qui mettent en evidence son auteur (de ce prodige), c'est-à-dire "al-Mahdi". Et etant donne qu'il s'agit là d'une question qui relève du domaine spirituel et dogmatique, sa demonstration s'avère des plus difficiles même pour quelqu'un d'aussi enracine dans la science que l'erudit al-Sadr.

Par demonstration, j'entends ici la demonstration scientifique qui peut convaincre les penseurs contemporains, notamment les realistes, les experimentateurs, les pragmatistes, ainsi que tous les adeptes du materialisme.

Avec l'habilete du veritable savant, son Eminence al-Sadr (auquel Dieu avait confere la disposition et l'instrument - par disposition j'entends: le don naturel d'analyse des questions religieuses, et par instrument: le fait de posseder et de reunir en lui, sous une forme encyclopedique rarement egalee, les differentes parties des sciences instrumentales et rationnelles, canoniques et cosmogoniques) a pu traiter de ce prodige, d'une façon scientifique, exactement comme le fait le savant naturaliste ou le chimiste dans le laboratoire pour convaincre ses adversaires ou detracteurs.

Je ne peux donc que lui serrer la main pour le feliciter du grand succès qu'il a realise dans l'interpretation de ce prodige d'al-Mahdi, en expliquant aux chercheurs logiciens les degres de la vraisemblance, en etablissant, avec le doigte du savant chevronne, un dosage entre le possible reel, le possible scientifique et le possible logique en ce qui concerne l'âge d'al-Mahdi depuis le IIIème siècle de l'Hegire jusqu'à nos jours, et en faisant valoir qu'une telle longevite, si elle n'est pas plausible sur le plan de la realite, est concevable sur le plan philosophique, et que si la science refuse d'envisager une vie humaine qui s'etend sur 1300 ans, il n'est pas impossible scientifiquement que, dans des cas exceptionnels, les cellules vivantes l'emportent sur les facteurs de leur destruction et de leur aneantissement.

Je veux dire par là que les experiences des biologistes effectuees sur certains animaux, pour etudier la possibilite de prolonger la vie au-delà de ses limites habituelles, montrent que les hypothèses avancees par le savant al-Sadr, sont scientifiques et possibles du point de vue de la Science.

Mais ce succès remporte sur les detracteurs et les adversaires de la religion sur leur propre terrain, est aussi confirme par la science instrumentale (le Hâdith et le Coran). Ainsi, ce Hâdith prophetique rapporte par des sources concordantes: «Vous suivez les règles de vos predecesseurs au point d'entrer dans le trou du lezard s'ils vous precedaient», signifie que la Umma du Prophète Muhammad incarne, en les resumant, tous les prodiges et les miracles qui s'etaient produits dejà chez d'autres nations, et ne concerne pas seulement, comme certains le croient, les peches et les malheurs.

La preuve en est que cette Umma n'a subi ni eclipse, ni dynamitage, ni camouflet, grâce à la position privilegiee de son Prophète auprès de Dieu. Il s'agit donc bel et bien des prodiges semblables à ceux des missions prophetiques precedentes, tels que le miracle des "Gens de la Grotte" (Ahl al-Kahf) et celui d’al-Aziz.

De cette façon la demonstration scientifique de l'erudit al-Sadr se trouve confirmee par l'argument coranique.

Si al-Aziz et son âne ont pu être morts pendant cent ans puis ressuscites par la volonte de Dieu, et si les "Gens de la Grotte" ont pu dormir, sans discontinuite et sans boire ni manger pendant trois cents ans, pourquoi Dieu ne realiserait-t-IL pas le même miracle, en la personne d'al-Mahdi, pour la Umma de Son Bien-Aime Muhammad?

En outre, selon les ulemas qui reunissent en eux la Loi revelee, la Verite et la Nature, la vie ne prend pas fin - legalement - avec la fin de la resistance du corps aux facteurs de destruction internes et externes, mais lorsque la Providence en fixe le terme.

A propos de ce mystère que ne connaissent que ceux qui sont enracines dans la science, l'Imam 'Ali, grand-père des Imams a dit: «Ce qui conserve l'homme, c'est le terme de sa vie», et non pas sa sante ou les facteurs constructifs qui resistent aux facteurs destructifs.

Je ne puis conclure ma preface qu'en exprimant mes vifs eloges pour la plaidoirie meritoire de Sayyed al-Sadr en faveur du prodige de l'Imam al-Mahdi, plaidoirie formulee d'une façon scientifique conforme à l'esprit de l'epoque contemporaine, car je ne pouvais pas imaginer qu'un savant musulman essaye un jour de concevoir ces miracles de la même façon scientifique dont j'ai traite, il y a vingt ans, le miracle d' "al-Isrâ' wal-Mi'râj". Je trouve donc dans son essai un encouragement à ce que j'avais essaye de faire jadis...

Dr Hamid Hafni Daûd

Le Caire, 5/8/1978
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1. Selon la doctrine islamique Jesus est monte au ciel et il en redescendra vers la fin des temps.

2. La Nation islamique.

3. Scripturaire, qui relève des textes sacres.

4. Ville Irakienne.

5. Il s'agit plutOt de l'an 260 H. NDT

6. Ahl-al-Thaqalayn.

Au Nom de Dieu, le Clement, le Misericordieux

al-Mahdi n'est pas seulement l'incarnation d'une doctrine islamique à caractère religieux, mais aussi le titre d'une aspiration à laquelle l'humanite a souscrit dans ses differentes religions et doctrines, et la formulation d'une inspiration innee à travers laquelle tous les autres humains, malgre la diversite de leurs doctrines et la divergence de leurs voies conduisant au mystère, se rendent compte que l'humanite connaitra le Jour Promis où les messages divins, realiseront leur objectif final et devoileront leur signification grandiose, et où la marche penible à travers l'histoire aboutira à la stabilite et à la tranquillite, après tant d'efforts.

La conscience de l'echeance imminente de ce jour "metaphysique" et de cet avenir promis n'est pas le propre de ceux qui croient religieusement au mystère; elle s'est etendue à d'autres categories et a trouve même un echo dans les ideologies et les courants doctrinaux les plus refractaires à la metaphysique et aux mystères, tel que le materialisme dialectique qui explique l'histoire par les contradictions et croit à l'avènement d'un jour promis où disparaitront toutes ces contradictions pour ceder la place à l'entente et à la paix.

Ainsi, nous constatons que l'experience psychologique que l'humanite a faite de cette conscience à travers l'histoire est la plus grande et la plus generalisee des experiences des êtres humains.

Lorsque la religion appuie ce sentiment psychologique general de l'avènement d'un jour où la terre sera couverte de justice et d'equite après qu'elle aura ete pleine d'injustice et d' iniquite, elle lui confère une valeur objective et l'erige en une croyance ferme en l'avenir de l'humanite, croyance qui n'est pas seulement une source de consolation, mais egalement une source de force et d'impulsion intarissable, parce qu'elle est une lueur de lumière qui resiste au desespoir flambant dans le cœur de l'homme, malgre les tenèbres des drames et le gigantisme de l'injustice, car le jour promis montrera que la justice pourra affronter un monde impregne d' injustice et d'iniquite et en ebranler les piliers afin de le reconstruire sur une nouvelle base, et que l'injustice, si tyrannique, si puissante et si etendue soit-elle, ne represente qu'une anomalie condamnee à disparaitre.

Cette defaite cuisante et inevitable de l'injustice à un moment où elle se trouvera au sommet de sa gloire, redonnera à tout homme et à toute nation victimes d'injustice, un grand espoir de pouvoir modifier les equilibres etablis et de reequilibrer la situation.

Si l'idee d' "al-Mahdi" est plus vieille que l'avènement de l'Islam et depasse les limites de celui-ci, ses aspects detailles que le message islamique a definis sont en revanche les plus aptes à satisfaire l'ensemble des aspirations liees à cette idee depuis l'aube de l'histoire, et les plus exaltants pour les sentiments des victimes d'injustice et des damnes de la terre tout au long de l' histoire. Car l'Islam a transforme l'idee du mystère en une realite et l'a ramenee de l'avenir au present.

Alors qu'elle n'etait qu'une aspiration à un sauveur que ce bas-monde engendrera dans un avenir lointain et inconnu, l'Islam l'a transformee en une croyance à l'existence effective du sauveur qui aspire, comme tout le monde, au jour promis où toutes les conditions objectives seront reunies pour lui permettre de jouer son rOle determinant.

al-Mahdi n'est plus donc une idee dont nous attendons la naissance, ni une prediction à la realisation de laquelle nous aspirons, mais une realite que nous voulons vivre et un homme en chair et en os, qui vit parmi nous, qui nous voit, qui vit nos esperances et nos douleurs, qui partage nos tristesses et nos joies, qui assiste avec peine aux supplices des "supplicies", à la misère des miserables et à l'injustice, en attendant impatiemment le moment propice qui lui permettra de tendre la main à toutes les victimes de l'injustice, à tous ceux qui vivent dans la privation, à tous les miserables, et de venir à bout des injustes.

Dieu a voulu que ce Guide Attendu ne se manifeste pas en public ni ne devoile sa vie aux autres, bien qu'il vive parmi eux et attende avec eux le moment promis.

Il est evident que l'"idee" (d’al-Mahdi), reduit, par ses aspects islamiques, le fosse metaphysique entre toutes les victimes de l'injustice et le sauveur attendu, et raccourcit le pont qui les relie à lui, quelle que soit la longue duree de l'attente.

Quant à nous, lorsqu'on nous demande de croire à l'idee d' "al-Mahdi", en tant qu'un homme à l'identite precise, vivant comme nous vivons et qui attend comme nous attendons, on veut nous suggerer que l'idee du refus absolu de toute injustice et de toute tyrannie qu'il represente, est incarnee effectivement par le Guide contestataire attendu qui reapparaitra avec un casier blanc, n'ayant pas prête serment d'allegeance à un injuste - comme mentionne dans le hadith - et que croire en lui, c'est croire et emboiter le pas à ce refus vivant qui existe effectivement.

Dans les hâdiths, il y a exhortation constante à l'attente du Salut, et recommandation à ceux qui croient à al-Mahdi, de se preparer à sa reapparition, car cette attente incarne la liaison spirituelle ou le lien intime entre eux et lui. Un tel lien ou une telle liaison ne pourrait exister si le Mahdi ne se materialisait pas effectivement sous sa forme d'homme vivant contemporain.

Ainsi, cette incarnation a donne une nouvelle impulsion à l'idee d’al-Mahdi - et en a fait une source de generosite et de force plus puissante. En outre, tout contestataire se sent console, soulage et apaise des peines et de l'injustice qu'il a subies, lorsqu'il voit que son Imam et Guide eprouve et partage - en tant qu'homme contemporain vivant avec lui, et non comme une simple idee future - ses douleurs.

Mais la personnification de l'idee d’al-Mahdi a suscite en même temps chez certains individus qui avaient des difficultes à concevoir cette idee, des attitudes negatives. Ceux-ci se demandent en effet:

1) Si al-Mahdi etait l'expression d'un homme toujours vivant à travers des generations et depuis plus de dix siècles, et qu'il continuait ainsi jusqu'à sa reapparition, comment expliquer une telle longevite et comment pourrait-il echapper aux lois de la nature qui imposent à tout homme de passer par l'etape de la vieillesse et de la senilite en un laps de temps infiniment plus court, etape qui le conduit immanquablement à la mort? Une telle longevite n'est-elle donc pas possible sur le plan de la realite?

2) Pourquoi Dieu prendrait-IL tant de soins de cet homme en particulier, suspendant pour lui la Loi de la nature? Pourquoi ferait-IL l'impossible pour prolonger sa vie et le garder pour le Jour Promis? L'humanite est-elle atteinte d'une sterilite qui la rendrait incapable d'engendrer des dirigeants compe-tents? Pourquoi Dieu ne confierait-IL pas le Jour Promis à un guide qui naitrait à l'aube de ce Jour-là, qui grandirait comme tout le monde et qui jouerait progressivement son rOle jusqu'à ce qu'il eût rempli la terre de justice et d'equite après qu'elle fut pleine d'injustice et d'iniquite.

3) Si "al-Mahdi" est le nom d'une personne precise, en l'occurrence, le fils du 11e Imam d'Ahl-ul-Bayt1, - ne en l'an 2562 de l'hegire, quelques annees avant le decès de son père en l'an 260 H. - cela signifie qu'il etait encore un enfant d'à peine cinq ans à la mort de son père, et qu'à cet âge, il n'eût pas le temps de recevoir de son père une formation religieuse et intellectuelle complète; comment aurait-il donc pu completer sa formation en vue de jouer intellectuellement, religieusement et scientifiquement son grand rOle?

4) Si ce guide etait dejà forme et qu'il etait prêt à assumer sa mission, pourquoi attendre des centaines d'annees? Les calamites et desastres sociaux que le monde a connus ne constitueraient-ils pas une raison suffisante pour qu'il reapparaisse et fasse regner la justice sur la terre?

5) Et même si nous supposions qu'al-Mahdi puisse exister, comment pourrions-nous y croire? L'homme peut-il se permettre de croire au bien-fonde d'une hypothèse de ce genre sans qu'il repose sur une preuve scientifique ou legitime incontestable? Quelques hâdiths attribues au Prophète (P)et dont on ne connait pas la veracite, suffisent-ils pour admettre l'hypothèse en question?

6) Comment concevoir qu'on ait prepare pour al-Mahdi ce rOle colossal et determinant dans la vie du monde, alors qu'un individu, si extraordinaire soit-il, ne peut à lui seul faire l'histoire ni la mener vers une phase nouvelle; etant donne que ce sont les circonstances objectives et leurs contradictions qui font mûrir les graines et attisent le foyer du mouvement de l'histoire, et non pas la grandeur de l'individu, laquelle ne peut que proposer celui-ci à être la façade desdites circonstances et l'expression pratique des solutions qu'elles necessitent?

De quelle façon cet individu pourrait-il realiser la transformation considerable et la victoire decisive de la justice et du message de la justice sur toutes les entites de l'injustice, de l'iniquite et de la tyrannie, lesquelles possèdent tant de pouvoir et d'influence, disposent de tant de moyens de destruction et d'aneantissement, de tant de ressources scientifiques, de tant d'autorite politique, sociale et militaire?

Ces questions pourraient se poser souvent et d'une façon ou d'une autre. Leurs veritables motifs ne sont pas uniquement d'ordre speculatif, mais aussi d'ordre psychologique. Ce qui les suscite, c'est le prestige de la realite qui prevaut dans le monde, et le sentiment d'avoir peu de chance de pouvoir la changer radicale-ment.

Et autant cette realite qui domine notre monde suscite en nous ce sentiment, autant les doutes se renforcent et les interrogations se multiplient. Ainsi, le sentiment de defaite, d'effacement et de faiblesse conduit l'homme au surmenage psychologique dès qu'il se met à penser au processus d'une grande transformation en vue de depouiller le monde de toutes les conditions et de toutes les injustices qui sevissaient au long de l'histoire, et de lui donner un contenu nouveau, fonde sur le bon droit et la justice.

Aussi, son surmenage l'incite-t-il à douter de la possibilite de voir cette grande transformation se materialiser, et même à s'efforcer de la recuser pour une raison ou une autre.

Nous allons repondre successivement et dans les limites que nous impose ce bref expose3 à chacune de ces questions.
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1. Ahl-al-Thaqalayn.

2. Ou en 255 H. selon la version la plus admise.

3. Rappelons que ce livre etait à l'origine, la Preface d'une etude exhaustive sur "al-Mahdi".

Ou en d'autres termes, est-il possible qu'un homme puisse vivre plusieurs siècles, comme ce grand Guide dont on attend qu'il change le monde, et qui est cense être âge de plus de 1140 ans, c'est-à-dire 14 fois plus âge qu'un homme ordinaire qui traverse toutes les phases normales de la vie, de l'enfance à la vieillesse?

Le mot possibilite peut signifier ici soit une possibilite pratique (appliquee), soit une possibilite scientifique, soit une possibilite logique ou rationnelle. Par possibilite pratique, j'entends: ce qui est realisable pour des gens comme vous et moi ou pour tout homme ordinaire comme nous. Ainsi voyager à travers l'Ocean, atteindre le fond de la mer, monter jusqu'à la lune... tout cela est devenu chose effectivement praticable, car il y a des gens qui le font reellement, d'une façon ou d'une autre.

Par possibilite scientifique, j'entends les choses que des gens, comme vous et moi, ne pourraient pas mettre en application par les moyens dont dispose l'humanite contemporaine, mais dont la possibilite de realisation dans certaines conditions et par des moyens speciaux - ne peut être ecartee par la science et ses orientations changeantes.

Ainsi, rien dans la science n'autorise de recuser la possibilite pour l'homme de monter vers la planète Venus. Au contraire, les indices scientifiques actuels militent en faveur d' une telle eventualite, bien qu'un exploit de ce genre ne soit pas à la portee de tout le monde. Car, en fait, la difference entre l'ascension vers la Lune et l'ascension vers Venus n'est qu'une question de degre, et ne represente que l'aplanissement de quelques difficultes supplementaires, dues au supplement de distance entre la première et la seconde planète. Donc atteindre à Venus est possible scientifiquement, bien que ce ne le soit pas effectivement.

En revanche, atteindre le Soleil, en plein ciel, n'est pas possible scientifiquement, c'est-à-dire que la science n'a pas l'espoir d'y parvenir, puisqu'on ne peut concevoir scientifiquement ni experimentale-ment la possibilite de fabriquer la cuirasse protectrice, capable de resister à la chaleur du Soleil qui represente une fournaise parvenue au plus haut degre que l'homme puisse imaginer.

Par possibilite logique ou philosophique, j'entends celle que la raison ne peut recuser, selon les lois qu'elle perçoit à priori. Ainsi on ne saurait diviser logiquement trois oranges en deux parties à la fois egales et sans fraction, car la raison perçoit prealablement à toute experience que le nombre trois est impair et non pas pair, et qu'il ne peut être divise en deux parties egales, une telle division necessitant que le nombre soit pair; autrement ce nombre serait à la fois pair et impair, ce qui est contradictoire; or la contradiction est logiquement impossible.

En revanche, il n'est pas impossible, selon la logique, que l'homme puisse traverser le feu ou monter jusqu'au Soleil sans se faire brûler par la chaleur, car il n'y a pas de contradiction dans la supposition que la chaleur ne passe pas du corps le plus chaud vers le corps le moins chaud; alors que cette supposition est contraire à l'experience, laquelle a demontre la transmissibilite de chaleur du corps le plus chaud vers le corps le moins chaud, jusqu'à ce que les deux corps deviennent d'une temperature egale.

De ce qui precède, on peut conclure que la sphère de la possibilite logique est plus large que celle de la possibilite scientifique et celle-ci est à son tour plus large que celle de la possibilite pratique.

En ce qui concerne la possibilite d'une longevite s'etendant sur plusieurs milliers d'annees, elle est sans doute logiquement concevable, car du point de vue rationnel abstrait, elle n'est pas contradiction, etant donne que la vie, en tant que concept, ne comporte pas une mort rapide, et cela est indiscutable.

De même, il est indiscutable que cette longue vie n'est pas possible sur le plan pratique, ni ne saurait être identifiee à la possibilite de descendre au fond de la mer ou de monter sur la lune; car la science, au stade où elle se trouve actuellement, et par les moyens et les instruments dont elle dispose effectivement jusqu'à present, ne peut prolonger la vie de l'homme de plusieurs centaines d'annees. La preuve en est que les gens les plus attaches à la vie et les plus qualifies pour se servir des possibilites de la science, ne peuvent jouir d' une vie plus longue que d' habitude.

Quant à la possibilite scientifique d'une telle longevite, rien dans la science ne permet de la refuser theoriquement. En fait il s'agit là d'un problème en rapport avec la qualite physiologique du phenomène de la senilite et de la vieillesse chez l'homme: ce phenomène traduit-il une loi naturelle qui impose aux tissus et aux cellules de l'homme une senescence progressive, et une regression de fonctionnement, une fois qu'ils arrivent au terme de leur developpement maximal, qui mène à un arrêt total de toute activite, même si on les mettait à l'abri de toute influence exterieure? Ou bien cette senescence et cette regression dans les tissus et les cellules du corps, decoulent-elles d'une lutte qui oppose celui-ci à des facteurs exterieurs, tels que les microbes ou l'empoisonnement qui l'atteindraient à la suite d'une nutrition excessive, d'un travail excessif... ou de tout autre facteur?

On a là une question que la science se pose aujourd'hui et à laquelle elle se propose d'apporter des reponses serieuses et nombreuses. Si nous nous en tenons au point de vue scientifique qui tend à interpreter vieillesse et senilite comme le resultat d'une lutte ou d'un contact entre le corps et des facteurs exterieurs donnes, nous devons admettre qu'il est possible theoriquement que les tissus du corps puissent continuer à vivre, à survivre au phenomène de la vieillesse, et à le vaincre definitivement, si l'on parvenait à les mettre à l'abri de ces facteurs.

Et si nous prenons en consideration un autre point de vue scientifique, celui qui a tendance à supposer que la vieillesse est une loi naturelle inherente aux cellules et aux tissus vivants - c'est-à-dire que ceux-ci portent substantiellement le germe de leur perissement inevitable qui passe par la phase de la vieillesse et de la senilite pour finir dans la mort - rien ne nous empêche d'exclure l'inflexibilite de cette loi. Si nous supposons que cette loi est coherente, nous pensons du même coup qu'elle est sûrement flexible. Car aussi bien dans notre vie ordinaire qu'à travers les observations des savants dans les laboratoires scientifiques, on peut remarquer que la vieillesse, en tant que phenomène physiologique, est atemporel: elle peut survenir prematurement ou tardivement. Aussi n'est-il pas rare de voir un homme âge possedant des membres souples et en etat de jeunesse, comme les medecins l'affirment eux-mêmes. Les savants ont même pu profiter de la flexibilite de cette loi pour prolonger la vie de certains animaux des centaines de fois leur longevite ordinaire, en creant des conditions et des facteurs qui retardent l'effet de la loi de la vieillesse.

Il est donc etabli par la science, que les effets de cette loi peuvent être scientifiquement retardes grâce à la creation de conditions et de facteurs particuliers, bien que la science n'ait pu jusqu'à present en faire l'application sur des êtres aussi complexes que l'homme. La difference entre la possibilite scientifique et l'application effective, traduit dans ce cas une difference de degre de difficulte entre l'application (de cette possibilite) sur l'homme et son application sur d'autres êtres vivants. Cela veut dire que sur le plan theorique, la science et ses orientations mobiles n'ont rien qui puisse permettre de recuser la possibilite de prolonger l'âge de l'homme, et ce aussi bien si nous interpretons la vieillesse comme etant le produit d'une lutte et de contacts entre les cellules humaines et des facteurs exterieurs, ou l'emanation d'une loi naturelle inherente à la cellule elle-même, loi qui condamne celle-ci à s'acheminer vers l'aneantissement.

On peut donc conclure que la prolongation de la longevite humaine de plusieurs siècles est possible logiquement et scientifiquement, bien qu'elle ne le soit pas encore sur le plan de l'application, mais que l'orientation scientifique s'achemine vers la realisation de cette dernière possibilite à long terme.

C'est à la lumière de ces donnees que nous abordons maintenant la question de l'âge d'al-Mahdi et l'etonnement et l'interrogation qu'elle soulève. Ayant demontre la possibilite scientifique et logique d'une telle longevite, ainsi que l'acheminement de la science vers la traduction progressive de cette possibilite theorique en une possibilite applicable et appliquee, il nous semble que l'etonnement n'a plus de raison d'être, sauf en ce qui concerne la difficulte d'admettre qu'al-Mahdi ait devance la science en transformant la possibilite theorique en possibilite reelle, à travers sa propre personne et avant que la science n'atteigne le niveau requis pour pouvoir effectuer reellement cette transformation, car cela equivaudrait à dire que quelqu'un a devance la science dans la decouverte du cancer et de la meningite.

Si le problème reside dans la question de savoir comment l'Islam - qui a planifie cette longevite d'al-Mahdi - a pu devancer le mouvement scientifique en ce qui concerne cette transformation (de la possibilite theorique en possibilite reelle), la reponse est la suivante: l'Islam n'a pas devance le mouvement scientifique seulement dans ce domaine, mais dans bien d'autres.

N'a-t-elle pas lance des slogans, qui ont servi de plans d'action que la marche independante de l'humanite n'a pu concevoir que plusieurs siècles plus tard?

La Chari'ah (la legislation islamique revelee), dans son ensemble, n'a-t-elle pas devance de plusieurs siècles le mouvement de la science et du developpement naturel de la pensee humaine?

N'avait-elle pas apporte des legislations pleines de sagesse dont les secrets n'ont pu être saisis que depuis peu de temps? Le Message divin n'a-t-il pas devoile de secrets de l'Univers qui ne pouvaient effleurer l'esprit de personne, et que la science a fini par reconnaitre? Si nous croyons à tous ces faits, pourquoi exclurions-nous que Dieu puisse devancer la science en ce qui concerne la longevite d'un homme, en l'occurrence al-Mahdi?

Il ne s'agit là que des manifestations de prescience que nous pouvons percevoir directement. On peut y ajouter d'autres cas que le Message divin nous informe. Ainsi celui-ci nous revèle que le Prophète fut transporte pendant une nuit, de la Mosquee Interdite1 à la Mosquee al-Aqçâ2!

Si nous voulons comprendre cet evenement dans la cadre des lois naturelles, il traduit sûrement l'application de celles-ci plusieurs centaines d'annees avant que la science n'ait pu y parvenir. Donc la même experience divine qui a permis au Prophète de se deplacer si vite, bien avant que la science ne soit parvenue à un tel exploit, a permis egalement au dernier3 des Successeurs "Predesignes" du Prophète, d'avoir une vie prolongee avant que la science ne mette en application cette possibilite.

Certes, cette longue vie que Dieu a accordee au Sauveur Attendu parait extraordinaire jusqu'a aujourd'hui, par rapport à la realite de la vie des gens et aux experiences des savants. Mais le rOle transformateur decisif auquel ce Sauveur est prepare n'est-il pas aussi extraordinaire en comparaison avec la vie familière et ordinaire, et les diverses evolutions historiques que l'humanite a vecues? N'est-il pas charge justement de transformer le monde et de reconstruire sa structure de civilisation sur des principes du bon droit et de la justice? Pourquoi s'etonner du fait que la preparation de ce rOle extra-ordinaire soit accompagnee de certains phenomènes extraordinaires et inhabituels, tel que la longue vie du Sauveur Attendu? Si extraordinaire et inhabituel que puisse paraitre ce phenomène (la longue vie d'al-Mahdi), il n'est guère plus etrange que le rOle extraordinaire lui-même, que le Sauveur doit jouer le Jour Promis.

Si nous admettons la possibilite de ce rOle grandiose, unique en son genre dans l'histoire de l'humanite, pourquoi n'admettrions-nous pas une longevite qui n'a pas de semblable dans notre vie ordinaire?

Je ne sais pas si c'est par pure coïncidence que les deux seuls hommes charges de vider l'humanite de son contenu corrompu et de la reconstruire soient dotes d'une longevite sans commune mesure avec la nature? Le premier, c'est Noe qui a joue son rOle dans le passe de l'humanite et dont le Coran dit qu'il a vecu "mille moins cinquante ans" parmi son peuple, et qu'il a pu, grâce au deluge, reconstruire le monde. Le second, c'est al-Mahdi, qui a vecu jusqu'à present plus de mille ans parmi son peuple, et qui devra jouer son rOle de Reconstructeur du monde, dans l'avenir de l'humanite, et le Jour Promis.

Pourquoi accepter Noe qui a vecu environ mille ans et refuser al-Mahdi?
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1. La Mosquee Interdite (al-Haram) est à la Mecque en Arabie Saoudite.

2. Alors que la Mosquee al-Aqçâ se trouve à Jerusalem, en Palestine. Avec les moyens de transport (les chameaux) dont on disposait à l'epoque, ce trajet necessitait un voyage de plusieurs jours.

3. L'Imam al-Mahdi.

Jusqu'à present nous avons etabli que la longue vie est scientifiquement possible. Mais supposons maintenant qu'elle ne le soit pas (sur le plan scientifique) et que la loi de la vieillesse et de la caducite se veuille rigoureuse, que l'humanite ne puisse la modifier ni en changer les conditions et les circonstances, ni aujourd'hui, ni à long terme. Dans ce cas, que signifie la longue vie d'al-Mahdi?

Elle signifie que la longue vie d'un homme - Noe ou al-Mahdi - etendue sur plusieurs siècles est un defi aux lois naturelles dont la demonstration est faite par la science et les moyens modernes de l'experience et de l'induction.

Il s'en suit que ce phenomène est considere comme un miracle rendant caduque une loi naturelle dans un cas particulier, afin de permettre de preserver la vie d'une personne chargee de sauvegarder le message divin, et que ce miracle n'est ni unique en son genre, ni etranger à la doctrine musulmane emanant du texte coranique ou de la Sunna. Car en fait, la loi de la vieillesse et de la senilite n'est pas plus rigide que la loi de la transmission de la chaleur d'un corps plus chaud à un autre moins chaud jusqu'à ce que leur temperature soit egale, loi qui fut mise en veilleuse pour proteger la vie d'Abraham à un moment où ce moyen etait le seul adequat pour y parvenir.

Ainsi, lorsqu'Abraham fut jete au feu: «Nous dimes: "O feu, sois sur Abraham, froidure et securite"»; et il en est sorti indemne. Beaucoup d'autres lois naturelles ont ete suspendues pour proteger la vie des prophètes et des apOtres de Dieu sur la terre. C'etait le cas lorsque Dieu a fendu la mer pour Moïse, ou lorsqu'il a fait croire aux Romains qu'ils avaient arrête Jesus alors qu'ils ne l'avaient pas fait, ou lorsqu'il a sorti le Prophète Muhammad de sa maison à l'insu de ses ennemis Quraichites qui cernaient cette maison et le guettaient avec vigilance, en attendant le moment propice pour l'attaquer.

Tous ces exemples traduisent la suspension des lois naturelles en vue de proteger quelqu'un dont la Providence veut preserver la vie.

Que la loi de la vieillesse soit rangee parmi ces lois

De tout ce qui precède, nous pourrions deduire un concept ou une règle generale en vertu de laquelle chaque fois que la sauvegarde de la vie d'un Envoye de Dieu sur la terre depend de la suspension d'une loi naturelle, et que le maintien de la vie de cet individu est necessaire à la realisation d'une mission qui lui est confiee, la Providence intervient pour suspendre cette loi afin de permettre l'accomplissement de cette mission.

Et inversement, lorsque la mission d'un individu - à laquelle Dieu l'a predestine - est terminee, celui-ci passe de vie à trepas et meurt naturellement ou en martyr, selon les lois de la nature. A propos de cette règle generale, la question suivante pourrait se poser: comment une loi peut-elle être suspendue et comment la relation necessaire qui s'etablit entre les phenomènes naturels peut-elle être coupee? Une telle supposition ne contredit-elle pas la science qui a decouvert ladite loi naturelle et determine ladite relation necessaire, sur une base experimentale et inductive?

La reponse à ces interrogations est fournie par la science elle-même qui a renonce à l'idee de la necessite dans la loi naturelle. Expliquons-nous là-dessus: la science decouvre les lois naturelles sur la base de l'experience et de l'observation regulière. Lorsque l'avènement d'un phenomène est toujours suivi d'un autre phenomène, on deduit de cette succession regulière une loi naturelle stipulant que chaque fois qu'un phenomène apparait, un autre doit le suivre. Mais la science ne suppose pas l'existence, dans cette loi, d'une relation necessaire entre les deux phenomènes et inherente à l'un et à l'autre; car la necessite est un etat metaphysique que ne peuvent deceler ni l'experience ni les moyens d'investigations inductives et scientifiques. Aussi, la logique scientifique moderne affirme-t-elle que la loi naturelle - en question - telle qu'elle est definie par la science, ne stipule pas l'existence d'une relation necessaire, mais seulement d'une concomitance constante entre deux phenomènes.

C'est pourquoi si un miracle se produit qui separe les deux phenomènes d'une loi naturelle, il ne s'agit pas là d'une rupture d'une relation necessaire entre les deux phenomènes.

En realite, le miracle dans son acception religieuse est devenu plus comprehensible à la lumière de la logique scientifique moderne que selon le point de vue classique des relations causales. Car ledit point de vue classique supposait que chaque fois que la concomitance entre deux phenomènes est constante il y a forcement une relation de necessite entre eux. Or la necessite signifie ici l'impossibilite de separer les deux phenomènes l'un de l'autre. Mais cette relation s'est transformee, dans la logique scientifique moderne, en loi de concomitance ou de succession constante entre les deux phenomènes, qui ne suppose pas l'existence de la necessite metaphysique.

De cette façon, le miracle devient un cas exceptionnel à cette constance dans la concomitance ou la succession, sans se heurter à une necessite ni conduire à une impossibilite.

Mais à la lumière des fondements logiques de l'induction, nous sommes d'accord avec le point de vue scientifique moderne, suivant lequel l'induction ne demontre pas une relation de necessite entre les deux phenomènes; toutefois nous estimons qu'elle indique l'existence d'une explication commune à la constance de la concomitance ou de la succession continuelle entre les deux phenomènes. Cette explication commune peut être formulee aussi bien sur la base de la supposition d'une necessite intrinsèque que sur celle d'une sagesse ayant conduit le Regulateur de l'univers à relier continuellement certains phenomènes à d'autres, et qui necessite parfois l'exception; auquel cas le miracle se produit.

Pourquoi vouloir tant prolonger sa vie?

Nous abordons maintenant la seconde question: pourquoi Dieu tient-IL tant à cet homme en particulier, au point de suspendre pour lui les lois de la nature? Pourquoi la direction du Jour Promis ne serait-elle pas confiee à un individu que l'avenir engendrerait et que les circonstances preludant à ce Jour rendraient assez mûr pour surgir sur la scène et jouer le rOle qu'on attend de lui? En un mot: pourquoi cette longue disparition et quelle est sa justification?

Beaucoup de gens posent ces questions et ne veulent pas entendre une reponse qui relève de la metaphysique. Certes, pour nous la reponse est evidente: nous croyons que les douze Imams - auxquels nous croyons - constituent un ensemble soude dont aucune partie ne peut être remplacee1. Mais les interrogateurs, eux, reclament une explication sociologique de cette question, explication fondee sur les verites tangibles de la grande operation de changement qu'al-Mahdi devra mener le Jour Promis et sur les exigences concrètes de celui-ci.

Aussi, pour les satisfaire, laissons-nous de cOte, provisoirement, notre croyance aux caracteristiques de cet ensemble de douze imams infaillibles - dont fait partie al-Mahdi - et abordons la question de la façon suivante: dans la mesure où ladite operation de changement peut s'expliquer elle-même à la lumière des lois et des experiences de la vie, il nous reste à savoir si le prolongement de l'âge du dirigeant qui devra la conduire constitue un des facteurs de son succès et de son bon deroulement? (c'est ce qui nous permet de rester dans le domaine du concret)2.

Nous repondons par l'affirmative à cette question, et cela pour plusieurs raisons: le grand changement radical necessite que son dirigeant soit dans un etat psychologique exceptionnellement favorable dans lequel il eprouve un sentiment de superiorite vis-à-vis des entites orgueilleuses que Dieu l'a prepare à detruire et à remplacer par une civilisation nouvelle et un monde nouveau. Car plus la civilisation que le guide combat, lui parait banale, et plus il est conscient qu'elle ne forme qu'un point infime sur la longue trajectoire de la civilisation humaine, plus il se sent psychologiquement apte à l'affronter, à lui resister et à poursuivre sa lutte contre elle jusqu'à la victoire.

Il est evident que la force de ce sentiment doit être proportionnelle à celle de l'entite et de la civilisation qu'on veut changer: plus cette entite est solide et plus cette civilisation est enracinee et orgueilleuse, plus ce sentiment doit être fort. Etant donne que le Message du Jour Promis vise à changer radicalement un monde impregne d'injustice et d'iniquite, ainsi que toutes ses valeurs de civilisation et ses differentes entites, il est naturel qu'il (ce Message) exige un executant dont la volonte de changement soit plus forte que le monde à changer, et qui ne soit pas ne sous la civilisation qu'on veut juguler et remplacer par une civilisation de justice et de bon droit. Autrement, un executant qui a grandi au sein d'une civilisation enracinee et couvrant le monde de son pouvoir, de ses valeurs et de ses idees, eprouve envers elle un sentiment d'inferiorite, etant donne qu'il est ne sous son règne, qu'il la voyait très grande depuis qu'il etait tout petit, et qu'il ne percevait que ses differents aspects depuis qu'il avait ouvert les yeux.

En revanche la situation est tout autre pour quelqu'un - comme al-Mahdi - qui s'est enfonce dans les profondeurs de l'histoire et a vecu le monde avant que cette civilisation n'ait vu la lumière, quelqu'un qui a regarde les grandes civilisations regner sur le monde l'une après l'autre avant de s'ecrouler chacune à son tour; quelqu'un qui, après avoir vu tout cela de ses propres yeux et non à travers les livres d'histoire, et vecu toutes les phases de formation de cette civilisation (que le sort a voulu faire le dernier chapitre de l'histoire de l'homme, laquelle doit s'achever sur l'avènement du Jour Promis) puisqu'il a assiste à sa naissance sous forme de petits germes presque invisibles, à sa première phase de formation dans les entrailles de la societe humaine où elle guettait l'occasion pour en sortir et se developper, à sa phase de developpement lorsqu'elle commença à grandir et à essayer de ramper en trebuchant, et enfin à sa phase de redressement alors qu'elle prosperait et tendait vers le gigantisme et la domination sur le sort du monde entier.

Oui, un tel individu qui a vecu avec une sagacite et une lucidite parfaites toutes ces phases, envisage ce geant - qu'il veut combattre - en homme qui a vecu tangiblement et non à travers les livres d'histoire, cette longue etendue historique.

Il ne considère ce geant ni comme ineluctable ni à la manière dont J. J. Rousseau regardait la monarchie en France. (En effet, on dit de Rousseau qu'il se sentait horrifie à l'idee d'une France sans roi, bien qu'il fût l'un des grands penseurs et philosophes qui appelaient à developper la situation politique en vigueur à cette epoque-là; et ce parce qu'il avait vecu et grandi sous la monarchie).

Contrairement à Rousseau, l'homme dont les racines s'enfoncent dans l'histoire, a le prestige et la force de celle-ci, et a le net sentiment que l'entite et la civilisation qui l'entourent, sont les produits d'un jour de l'histoire où des circonstances propices ont favorise leur naissance, qu'un autre jour viendra où d'autres circonstances les rayeront de la carte et effaceront toutes leurs traces du passe proche et lointain, et que l'âge historique des civilisations et des entites, si long soit-il, ne constitue que des jours comptes par rapport à la longue vie de l'histoire.

Avez-vous lu la sourate3 de la "Grotte" qui relate l'histoire de ces jeunes gens à qui Dieu "a accru la guidee"4 après qu'ils avaient cru en LUI ?

Savez-vous ce que Dieu leur a fait lorsqu'ils sont tombes dans le desespoir et la lassitude, après qu'ils s'etaient heurtes à une entite gouvernante païenne, impitoyable et determinee à etouffer toute graine d'Unicite, et qu'ils s'etaient refugies dans la grotte pour implorer Dieu de resoudre leur problème, desesperes qu'ils etaient d'y trouver eux-mêmes une solution, et indignes de voir le Faux continuer à gouverner, à persister dans l' injustice, à avoir raison du Bon Droit et à eliminer quiconque etait epris du Vrai? Dieu les a endormis pendant 339 ans dans cette grotte; puis il les a reveilles et les a rendus à la vie, après que l'entite qui les avait impressionnes de sa force et de son injustice, s'etait ecroulee et etait devenu un souvenir historique qui n'emeut ni n'effraie personne; et tout cela, pour que ces jeunes gens assistent à l'elimination de ce Faux dont ils ne supportaient pas l'etendue, la force et la continuation, et pour qu'ils voient de leurs propres yeux sa fin et constatent eux-mêmes sa banalite.

Si les "Jeunes de la Grotte" ont pu assister à cette scène - qui a suscite en eux tant d'impulsion et de fierte -à travers cet evenement exceptionnel qui a prolonge leur vie de plus de trois siècles, la même chose peut se realiser pour le Guide Attendu, à travers une longue vie qui lui permettra de voir le geant alors qu'il n'etait qu'un nain, l'arbre colossal, alors qu'il n'etait qu'une graine, le cyclone lorsqu'il n'etait qu'un souffle.

En outre, l'experience que le Guide du Jour Promis acquiert en assistant à la procession de tant de civilisations successives et en observant directement leur mouvement et leur developpement, joue un rOle important dans la formation intellectuelle de ce Guide ainsi que dans l'experience future qu'il doit mener, puisqu'elle le met au contact de beaucoup de situations qui comportent des points forts et des points faibles, des erreurs et des pertinences, et lui confèrent une plus grande capacite d'apprecier les phenomènes sociaux, etant parfaitement conscient de leurs causes et de leurs enchevêtrements historiques.

L'operation de changement assignee au Guide Attendu, repose sur un message determine, en l'occurrence, l'Islam.

Il est donc naturel que cette operation exige un dirigeant proche des premières sources de l'Islam et ayant une personnalite forgee independamment et à l'abri de toutes les influences de la civilisation qu'il est destine à combattre. Car un individu qui nait et grandit au sein de ladite civilisation et dont les idees et les sentiments se forment dans son cadre, ne saurait generalement se debarrasser des sequelles et des impacts qu'elle laisse sur lui, même lorsqu'il est decide de mener un combat de changement contre elle.

Pour qu'un leader destine à mener une bataille de changement dans une civilisation, ne soit sous l'influence de celle-ci, il faudrait que sa personnalite soit complètement formee dans une phase de civilisation anterieure et plus ou moins proche - dans l'esprit general et dans le principe - de celle qui doit être instauree sous sa direction, le Jour Promis.
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1. Par consequent, al-Mahdi, douzième Imam de cet ensemble soude et indissociable, est irremplaçable et doit jouer le rOle que la Volonte Divine lui a fixe, le Jour Promis (N.D.T.).

2. N. D. T.

3. Chapitre du Coran.

4. La fait d'être place dans le Droit Chemin, d'être bien guide.

Il s'agit de repondre maintenant à la troisième question de la serie: Comment la formation du Guide Attendu a-t-elle pu se parachever alors qu'il n'avait vecu auprès de son père, l'Imam al-'Askari, que jusqu'à l'âge de cinq ans à peine, donc pendant la première enfance, ce qui ne saurait suffire normalement à la maturation de sa personnalite?

La reponse en est qu'al-Mahdi est devenu Imam des Musulmans en succedant à son père, à un âge très jeune. Or il ne pouvait acceder à cette dignite (l'Imamat) que s'il jouissait des qualites intellectuelles et spirituelles requises.

Notons à cet egard que l'Imamat premature etait un phenomène courant chez ses grands parents, puisque plusieurs d'entre eux l'ont connu avant lui. Ainsi, l'Imam Muhammad Ibn 'Ali al-Jawâd s'est charge de cette dignite à l'âge de 8 ans, l'Imam 'Ali Ibn Muhammad al-Hâdi à l'âge de 9 ans, l'Imam Abû Muhammad al-Hassan al-'Askari, le père du Guide Attendu, à l'âge de 22 ans.

Nous disons "Phenomène" de l'Imamat, car l'Imamat avait pris, sous quelques-uns des grand-parents d'al-Mahdi, une signification concrète et pratique que les Musulmans ont vecu dans leur experience avec ces Imams. Aussi est-il absurde de chercher la preuve ou la demonstration d'un phenomène aussi evident et clair que l'experience de toute une nation.

Nous nous expliquons la-dessus, à travers les points suivants:

A. - L'Imamat des Imams d'Ahl-ul-Bayt ne constituait pas un centre de pouvoir et d'influence transmis hereditairement, de père en fils, et soutenu par un gouvernement, comme c'etait le cas des Fatimides et des Abbassides. Loin de là. L'Imam obtenait l'allegeance des bases populaires en les penetrant spirituellement et en les convainquant intellectuellement du merite de son Imamat et de son aptitude à guider et à diriger la Umma sur des bases spirituelles et intellectuelles.

B. - Ces bases populaires se sont formees depuis la première epoque de l'Islam, et elles se sont epanouies et elargies sous les Imamats d'al-Bâqer et de son fils al-Sâdiq. L'ecole que ces deux Imams ont patronne parmi ces bases constituait un courant intellectuel largement repandu dans le monde islamique et comprenant des centaines de faqih, de theologiens, d'exegètes et de savants specialises dans les divers domaines du savoir islamique et humain, connus à l'epoque. A ce propos al-Hassan Ibn 'Ali al-Wacha a dit: «Je suis entre dans la mosquee d'al-Kûfa et j'ai vu neuf cents cheiks qui citaient tous Ja'far Ibn Muhammad».

C.- Les conditions que cette ecole representative des bases populaires de la societe islamique posait à la nomination d'un Imam et afin de s'assurer de sa qualification et de sa competence pour un tel poste, sont très sevères, car elle croyait qu'un Imam ne meritait ce titre que s'il etait le plus savant des savants de son epoque1.

D. - L'ecole et ses bases populaires ont offert de grands sacrifices pour pouvoir defendre sa foi en l'Imamat, car celui-ci representait, pour le califat2 de l'epoque, un danger menaçant sa conception, tout au moins sur le plan ideologique; et c'est ce qui a conduit les autorites à organiser regulièrement des campagnes de liquidation et de persecution contre les adeptes de cette ecole, lesquels seront assassines, emprisonnes ou eteints par centaines dans les tenèbres des geOles. Cela signifie que croire à l'Imamat d'Ahl-ul-Bayt coûtait cher à ces adeptes et ne leur offrait comme recompense que le rapprochement suppose de Dieu.

E.- Les Imams auxquels ces bases ont prête serment d'allegeance n'etaient pas à l'ecart de leurs partisans, ni cloitres dans des tours d'ivoire comme le font les sultans avec leurs peuples. Ils ne s'en separaient que lorsque les autorites les en eloignaient, en les mettant en prison ou en les bannissant. On peut constater l'existence de ces contacts permanents entre les Imams et leurs adeptes, à travers leurs correspondances, à travers les visites que les fidèles rendaient aux Imams lorsqu'ils venaient à Medine pendant la saison du Pèlerinage, à travers les voyages que les Imams effectuaient, à travers les representants qu'ils envoyaient aux quatre coins du monde islamique. Un grand nombre de rapporteurs et de transmetteurs de hadith font etat des divers contacts qui montrent qu'il y avait un echange constant entre chaque Imam et ses bases ramifiees à travers les differentes regions de la nation islamique et les differentes categories sociales.

F. - Le Califat contemporain des Imams considerait ceux-ci et leur autorite spirituelle comme une source de danger pour son entite et son pouvoir. C'est pourquoi, il a tout fait pour entamer cette autorite et a ete conduit même à commettre des abus, à se montrer cruel et tyrannique, lorsque la necessite de renforcer ses positions se faisait sentir. Les campagnes d'emprisonnement et de persecution contre les Imams eux-mêmes, n'ont jamais cesse; bien que de tels agissements aient suscite le mecontentement et l'indignation des Musulmans et des partisans des Imams, de tous niveaux.

Si nous tenons compte de ces six points, lesquels constituent des verites historiques incontestables, nous pouvons aboutir à la conclusion suivante: