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La Question du Hijab by : Ayatullah Morteza Motahhari

 

Vu l'importance de la "question du hijab "(couvrement rituel de la femme) en Islam, qui ne cesse de susciter des vifs débats entre ceux qui sont pour l'application de cette loi divine et ceux qui sont contre, l'Organisation de la Diffusion Islamique a pris l'initiative de participer à ce débat en publiant une version française du livre du professeur Mutahhari traitant de cette question et donnant une réponse claire et nette à ceux qui prétendent que le port du "hijab" par la femme musulmane n'a rien d'islamique, et que c'est en Perse et au Moyen - Orient que l'Islam rencontra cette coutume qui s'est maintenue sous le poids de la tradition et non par obligation religieuse.

Nous espérons que nos chers lecteurs percevront en parcourant ce livre, que le port du hijab par la femme musulmane est bien issu d'une prescription religieuse qui n'est aucunement une condamnation de la femme à une vie de réclusion, mais dont le seul but est de diminuer l'attrait des étrangers, et de protéger ainsi la femme de la convoitise des hommes car, tenant compte de la nature véritable de l'homme, l'Islam a prescrit les moyens de diminuer les tentations et d'amoindrir les occasions où les esprits faibles -la grande majorité des hommes - auraient à engager une bataille perdue d'avance.
L'Auteur
Le professeur Murtadha Mutahhari est encore trop peu connu au sein des musulmans francophones pour qu'il soit superflu de le présenter. Né en 1919 dans un village du Khorassan iranien, il disparaît après soixante années d'une vie fructueuse dans le domaine de la pensée islamique, assassiné à Téhéran par un groupuscule contre-révolutionnaire, quelques mois après la victoire de la Révolution islamique à laquelle il avait oeuvré. Etudiant durant seize ans la littérature, la philosophie, la jurisprudence et autres branches des sciences islamiques dans la ville religieuse de Qom, il se consacra ensuite à l'enseignement de la philosophie et des sciences religieuses à l'Université de Téhéran.

Son activité politique de propagande contre le régime du Chah lui valut d'être arrêté et incarcéré à plusieurs reprises par la trop célèbre Savak, puis interdit d'audience. Malgré les obstacles auxquels il se heurta, il joua néanmoins un rôle fondamental dans le processus d'avènement de la Révolution islamique, notamment dans la sensibilisation et dans la mobilisation des couches religieuses et étudiantes, en étroite collaboration avec l'Imam Khomeyni.

Auteur de plus de quarante ouvrages, essentiellement dans le domaine de la philosophie et de la sociologie islamiques et comparées1, il peut être considéré à juste titre comme l'un des précurseurs de la renaissance de la pensée islamique dans le monde contemporain.
L'Ouvrage
Le présent ouvrage est sans doute un des écrits du professeur Mutahhari les plus célèbres en Iran. Le texte original de "La Question du Hijab" a été établi sur la base d'une série de conférences délivrées une vingtaine d'années avant la Révolution islamique en Iran devant l'Association Islamique des Médecins, qui furent compilées, corrigées et mises à jour par l'auteur lui-même et publiées pour la première fois en 1969.

Il écrit dans sa préface: "Le dessein poursuivi par l'auteur, ainsi que par le groupe d'intellectuels musulmans pratiquants de l'Association Islamique des Médecins, en exposant et en publiant "La Question du hijab", est lié au sentiment qu'outre les abondantes déviations pratiques apparues dans le domaine du hijab, cette question et toutes les questions relatives à la femme sont devenues pour un certain nombre d'individus malintentionnés et stipendiaire un moyen de lancer contre l'Islam une tumultueuse propagande. Or il est évident que dans les conditions actuelles, la jeune génération n'étant pas formée de façon suffisante dans le domaine religieux, de telles propagandes assurent leur effet néfaste..."

Il dit plus loin: "Le phénomène de la "nudité" est sans aucun doute une des maladies de notre siècle, qui sera tôt ou tard reconnue comme telle. Or à supposer que nous imitions aveuglément l'Occident, l'avant-garde occidentale finira, elle, par dénoncer la nature du phénomène, et si nous croisons les bras dans l'attente de cette formulation, je crains qu'il ne soit trop tard..."

Le but de l'auteur était assurément de faire prendre conscience, d'informer, de corriger des idées fausses à propos du hijab dans le contexte socioculturel d'un pays islamique dont le regard était alors braqué sur l'Occident.

Le sujet est aujourd'hui d'une grande actualité au niveau de la planète entière, dans la mesure où le hijab est à notre époque le révélateur de deux phénomènes: celui d'un retour, d'une affluence vers l'Islam d'une part, dont il est un signe concret, visible ; celui d'autre part de l'appréhension, de la peur, de la panique de certains régimes face à la "montée" de l'Islam, qui s'opposent au hijab pour s'opposer à l'Islam, en tant que signe s'imprimant dans le paysage socio-culturel d'un attachement profond à un Islam vécu non seulement spirituellement et individuellement, mais aussi pratiquement, socialement, politiquement.

Il est d'actualité encore au sens où il constitue dans ses formes un défi à deux courants caractéristiques du monde contemporain: le "dé-couvrement" au nom de la modernité, d'une part, et d'autre part, la confusion navrante entre conformité et équivalence des droits de l'homme et de la femme, la revendication féminine du droit à la similitude au lieu du droit à la différence et à l'affirmation de soi selon des critères spécifiquement féminins.

Dans la traduction du présent ouvrage, nous nous sommes heurté à un certain nombre de difficultés: Tout d'abord, la trame du texte étant une série de conférences, celui-ci ne répondait pas toujours à l'ordre rigoureux d'un texte rédigé par écrit dés l'origine ; nous avons néanmoins touché au minimum à l'ordre du texte. En second lieu, la présence dans le texte d'une série de termes ou d'expressions appartenant à la terminologie de la jurisprudence islamique ou propres à la vision du monde islamique posait des problèmes de traduction du fait de l'absence de termes ou d'expressions équivalents en langue française; nous espérons avoir pu donner à leur transcription la clarté voulue.

En troisième lieu, le fait que l'auteur s'adressait à un public exclusivement iranien nous a fait supprimer certains passages descriptifs caractéristiques de la société iranienne de l'époque antérieurement à la Révolution - dénués d'intérêt pour le lecteur francophone, et explique par ailleurs ce que ce dernier considéra peut-être comme une lacune, à savoir l'absence d'allusion à la situation du hijab dans certains pays musulmans - notamment les pays d'Afrique du Nord -, situation fort différente de celle prévalant en Iran.

Par ailleurs, s'adressant à des musulmans d'origine, le présent texte ne répond sans doute pas à certaines interrogations des non-musulmans concernant le hijab: tel n'était pas son objectif. Nous espérons que la présente traduction pourra aviser le lecteur de la véritable signification, de la véritable portée, de la véritable valeur du hijab islamique, avec l'aide de Dieu Tout-Puissant.

Il est aussi à espérer que cet ouvrage sera favorablement accueilli et mis à profit par tous ceux qui aspirent à mieux connaître la Vérité et à éviter de tomber dans le piége des désinformations malhonnêtes.

"O vous qui croyez! Répondez à Dieu et à son Messager, lorsque celui - ci vous appelle vers ce qui vous fait revivre!" (Coran 8: 24)

Relations Internationales Organisation
de la Diffusion Islamique
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1. Parmi les oeuvres de M. Mutahhari: Les principes de la philosophie et la méthode du réalisme; La Justice Divine; Le systéme des droits de la femme en Islam; Les causes de l'attrait pour le matérialisme; L'Homme et le Destin; La Question du hijab; Les révoltes islamiques au cours des cent dernières années; Initiation aux sciences islamiques; Initiation au Coran; L'usure, la banque, l'assurance; Philosophie de la Morale, etc.
La nécessité pour la femme de se couvrir face à l'homme étranger compte parmi les questions islamiques d'importance, spécifiée dans le Noble Coran lui-même. Aussi n'y a-t-il pas de doute à avoir quant à l'essentiel du problème du point de vue islamique.

Le fait que la femme se couvre aux yeux de l'homme étranger est une des manifestations de la nécessité de limitation entre hommes et femmes étrangers les uns aux autres, tout comme la non-licence de tête à tête entre eux en constitue une autre manifestation. Ce sujet doit être étudié en cinq parties:

1) Le "couvrement"1 est-il une des caractéristiques de l'Islam, transmise par les musulmans aux non-musulmans après l'avènement de l'Islam? Ou bien existait-il également chez d'autres peuples antérieurement à l'Islam?

2) Quelle est la raison d'être du "couvrement"? Comme nous le savons, il n'existe chez les animaux aucun type de limite entre mâle et femelle, librement en relation l'un avec l'autre. La loi naturelle primaire veut qu'il en soit également ainsi des êtres humains. Quelle cause suscita-t-elle donc l'apparition d'une limitation, d'un obstacle entre les genres féminin et masculin, sous la forme du "couvrement" ou sous d'autres formes?

Ceci ne se réduit pas au "couvrement", et c'est l'éthique sexuelle qui, dans l'absolu, constitue le lieu d'une telle question, laquelle se pose également au sujet de la pudeur et de la chasteté. Si les animaux n'éprouvent pas de pudeur dans les questions sexuelles, il existe par contre en l'être humain, en particulier de sexe féminin, les sentiments de pudeur et de réserve.

3) La philosophie du "couvrement" selon l'Islam.

4) Objections et difficultés.

5) Quelles sont les limites du "couvrement" islamique? L'Islam prône-t-il la réclusion de la femme, ainsi que le dénote le sens du terme "hijab", ou bien le fait que la femme couvre son corps face à l'homme étranger sans être pour autant contrainte de se retirer de la société? Et dans le second cas, quelle est la limite du "couvrement"? Le visage et les mains doivent-ils être également couverts, ou bien suffit-il que le soit le reste du corps? Et de manière générale, existe-t-il en Islam une question que l'on intitulerait "les limites de la pudeur"? En d'autres termes, existe-t-il en Islam une troisième voie qui ne soit ni la réclusion et l'emprisonnement, ni la "mixité"? En d'autres termes encore, l'Islam prône-t-il la séparation sociale des femmes et des hommes?

Telles sont les questions auxquelles répond ce livre.
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1. Nous avons été contraint par l’absence en langue française d’un substantifs pour le verbe ‘couvrir” de recourir à ce néologisme pour traduire le terme persan “puchech” (N.d.t.)
Je n'ai de l'aspect historique de la question qu'une information incomplète: notre connaissance historique ne serait complète que dans la mesure où nous pourrions émettre une opinion relative à tous les peuples antécédents à l'Islam. Une chose est pourtant certaine, c'est que le "hijab" a existé au sein de certains peuples antérieurement à l'Islam.

Selon ce que j'ai pu lire dans les ouvrages s'y rapportant, le "hijab" a existé dans la Perse antique, chez le peuple juif et probablement en Inde, et y était plus strict que ce qu'en a énoncé la Loi islamique. Mais il n'existait pas dans l'Arabie païenne et apparut chez les arabes par l'intermédiaire de l'Islam.

Dans son Histoire de la Civilisation1, Will Durrant écrit au sujet du peuple juif et de la Loi du Talmud: "Si une femme transgressait la Loi juive - sortant par exemple tête nue en public, filant sur la voie publique, se confiant à n'importe quel genre d'homme ou élevant tant la voix en parlant chez elle que les voisins pouvaient entendre ses propos-, l'homme avait alors le droit de divorcer sans devoir restituer la dot."

Ainsi, le "hijab" qui avait cours chez le peuple juif était beaucoup plus strict et plus sévère que le "hijab" islamique, comme nous l'expliquerons par la suite. Will Durrant écrit au sujet des anciens persans: "Au temps de Zoroastre, les femmes jouissaient d'un rang élevé et circulaient en public en toute liberté et de façon ouverte..."2

"Après Darius, écrit-il ensuite, la condition des femmes connut un déclin, en particulier au sein de la couche riche. Les femmes pauvres, nécessairement amenées à circuler parmi les gens pour travailler, préservèrent leur liberté. Mais en ce qui concerne les autres femmes, la réclusion qui leur était imposée en période menstruelle fut graduellement prolongée jusqu'à embrasser la totalité de leur vie sociale, et ceci est tenu pour la base même de la réclusion chez les musulmans.

Les femmes appartenant aux couches élevées de la société n'osaient plus sortir de chez elles que dans des palanquins couverts, et jamais il ne leur était permis d'être publiquement en relation avec des hommes; les femmes mariées n'avaient le droit de voir aucun homme, pas même leur père ni leur frère. Dans les fresques qui subsistent de la Perse antique, n'apparaît aucun visage de femme, et aucune allusion ne semble y être faite..."

Comme vous le voyez, un "hijab" strict et sévère dans la Perse antique, à tel point que même le père et le frère devenaient étrangers à la femme mariée.

Selon Will Durrant, les sévères prescriptions appliquées conformément aux anciens usages et rites issus du Mazdéisme au sujet de la femme menstruée qui était prisonnière dans une pièce, tous s'en éloignant durant la période de ses menstrues et s'abstenant de toute relation avec elle, ont été la cause majeure de l'apparition du "hijab" dans la Perse antique. De telles prescriptions relatives à la femme menstruée étaient également appliquées chez les juifs.

Mais où veut-il donc en venir lorsqu'il dit: "Ceci est tenu pour la base même de la réclusion musulmans"?

Veut-il dire que la pratique du "hijab" chez les musulmans a elle aussi pour cause les âpres prescriptions appliquées au sujet de la femme menstruée?! Or nous savons tous qu'en Islam, de telles prescriptions n'existent pas et n'ont jamais existés. La femme menstruée y est seulement exemptée de certaines pratiques religieuses obligatoires comme la prière et le jeûne, et l'accouplement n'est pas permis avec elle durant la période de ses menstrues. Mais aucune sorte d'interdiction dans ses relations avec autrui ne contraint en pratique la femme menstruée à la réclusion.

Et s'il veut dire que le "hijab" d'usage parmi les musulmans est une pratique transmise aux autres musulmans par les iraniens après leur conversion à l'Islam, c'est là encore un propos erroné. Car les versets coraniques concernant le "hijab" furent révélés antérieurement à la conversion à l'lslam des iraniens.

Ces deux questions sont rendues intelligibles par les autres propos de Will Durrant, à savoir qu'il prétend à la fois que le "hijab" prit cours au sein des musulmans par l'intermédiaire des iraniens après leur conversion à l'Islam, et que le fait de s'abstenir de relations sexuelles avec la femme menstruée a influé sur le "hijab" des femmes musulmans ou, du moins, sur leur retraite:

"La relation des arabes avec l'Iran, écrit-il, compta parmi les causes de l'instauration du "hijab" et de la pédérastie dans le monde de l'Islam. Les arabes s'effrayaient de la séduction de la femme, dont ils étaient éternellement épris, et compensaient son impact naturel par le soupçon commun des hommes quant à la chasteté et à la vertu féminines. Omar* disait à son peuple de délibérer avec les femmes et d'agir à l'encontre de leur avis. Mais au premier siècle de l'Islam, les musulmans n'avaient pas encore inséré la femme dans le "hijab". Hommes et femmes se fréquentaient mutuellement, marchaient dans les rues côte à côte et faisaient la prière, ensembles dans la mosquée.

"Le "hijab" et la possession d'eunuques devinrent courants à l'époque de Walid II (126-127 de l'Hégire). La réclusion des femmes apparut du fait qu'elles étaient interdites aux hommes durant la période des menstrues, et des suites de couches."3

Il dit ailleurs:

"Le Prophète avait recommandé le port de vêtements amples, mais certains arabes négligèrent cette injonction. Dans toutes les couches sociales on portait des parures. Les femmes paraient leur corps de boléros, de ceintures brillantes, de vêtements amples et bigarrés; elles attachaient joliment leurs cheveux, les laissaient pendre de chaque côté de leur visage ou les faisaient tomber en nattes derrière leur tête; elles les enjolivaient parfois avec des fils de soie noire; elles se paraient souvent de pierres précieuses et de fleurs. Après l'an 97 de l'Hégire, elles se mirent à se couvrir le visage d'un voile partant de sous les yeux, et dés lors cette habitude prévalut ainsi."4

Will Durrant écrit au sujet des anciens perses:

"Rien ne s'opposait à la possession de concubines. Celles-ci, comme les amantes grecques, étaient libres de paraître en public et d'assister aux festins des hommes, tandis que les épouses légitimes étaient ordinairement maintenues à l'intérieur des maisons. Cet ancien usage perse fut transmis à l'Islam."5

Will Durrant s'exprime comme s'il n'avait pas existé, au temps du Prophète, le moindre commandement relatif au "couvrement" de la femme, et que le Prophète n'avait recommandé que le port de vêtements amples! Et que les femmes musulmanes, jusqu'à la fin du premier siècle et au début du deuxième siècle de l'Hégire, circulaient absolument sans "hijab". Or il n'en fut assurément pas ainsi. L'histoire témoigne formellement du contraire.

Si la femme de l'Arabie païenne fut sans aucun doute telle que la décrit Will Durrant, l'Islam engendra une transformation en ce domaine. Aïcha* louait toujours les femmes "Ansar"* de la façon suivante: "Bravo aux femmes "Ansar"! Dés la révélation des versets de la sourate "La Lumière", on n'en vit plus une se rendre au-dehors comme auparavant. Elles couvraient leur tête de foulards noirs, et il semblait que s'y étaient posés des corbeaux."6

Dans les Traditions d'Abou Dawoud7, sont rapportés d'Oum Salama* des propos identiques, avec cette différence qu'elle dit: "Après la révélation du verset de la sourate "Les coalisés" ("Ho, le Prophète! Dis à tes épouses, à tes filles et aux femmes des croyants de ramener sur elles leurs voiles; C'est pour elles le meilleur moyen de ne pas se faire connaître et de ne pas être offensées"), les femmes "ansar"* agirent de la sorte."

Dans son ouvrage intitulé "Trois années en Iran", le Comte Gobineau se montre convaincu lui aussi que le sévère "hijab" de l'époque de Sassanides* subsista chez les iraniens à l'ère de l'Islam. Il considère que la Perse Sassanide ne connut pas seulement le "couvrement" de la femme, mais également le fait de garder la femme cachée.

Il prétend que les caprices des prêtres zoroastriens et des princes de cette époque étaient tels que quiconque avait une belle épouse ne laissait personne prendre conscience de son existence, la cachant dans la mesure du possible, car s'il apparaissait qu'une telle femme vivait chez lui, il n'en serait plus le possesseur, ni à l'occasion celui de sa propre vie.

Jawaharlal Nehru, ancien premier ministre de l'Inde, considère lui aussi que le "hijab" fut introduit dans le monde de l'Islam par les peuples non-musulmans- Rome et l'Iran. Dans son ouvrage "Regard sur l'histoire du monde", au cours d'une apologie de la civilisation islamique, il fait allusion aux transformations qui apparurent par la suite, écrivant notamment:

"Un changement important et regrettable se produisit également au fur et à mesure, et ceci concernant la condition des femmes. L'usage du "hijab" et du voile n'existait pas chez les femmes arabes. Celles-ci ne vivaient ni séparées des hommes ni cachées d'eux, paraissant au contraire dans les endroits publics, se rendant à la mosquée et aux assemblées de prédication, à quoi elles procédaient même elles-mêmes.

Mais sous l'effet de leurs victoires, les arabes empruntèrent graduellement de plus en plus une tradition qui existait dans deux empires voisins, l'Empire Romain Oriental et l'Empire Perse. S'ils écrasèrent l'Empire Romain et traitèrent avec l'Empire Perse, ils se soumirent néanmoins aux habitudes et aux moeurs déplaisantes de ces deux empires. Selon ce que l'on a raconté, ce fut en particulier sous l'effet de l'infiltration des empires byzantin et perse que s'instaura chez les arabes l'habitude de la réclusion des femmes et de leur séparation des hommes. Le système du "harem" s'instaura au fur et à mesure, et hommes et femmes se trouvèrent séparés les uns des autres."

De tels propos sont erronés. Simplement, par la suite, sous l'effet des relations des arabes musulmans avec les récents convertis non arabes, le "hijab" devint plus sévère qu'il ne l'était au temps du Noble Prophète, mais il serait inexact de dire que l'Islam n'a prêté à l'origine aucune attention au "couvrement" de la femme.

Il ressort des propos de Nehru que les romains -peut-être sous l'influence du peuple juif- connaissaient également le '"hijab", et que la tradition du "harem" s'introduisit elle aussi à la cour des califes musulmans par Rome et par l'Iran. D'autres ont également confirmé ce point.

Un "hijab" strict et sévère régna également en Inde, mais y existait-il avant la pénétration de l'Islam en Inde, ou s'y instaura-t-il postérieurement, les hindous musulmans adoptant le "hijab" féminin sous l'influence des musulmans et en particulier des iraniens? Cela n'est pas tout à fait clair. Une chose est certaine, c'est que le "hijab" hindou a été strict et sévère comme dans la Perse antique. Il ressort des propos de Will Durrant, dans le second volume de son Histoire de la Civilisation, que le "hijab" s'instaura en Inde par l'intermédiaire des iraniens.

Nehru poursuit ainsi les propos rapportés plus haut: "Ce déplaisant usage devint hélas peu à peu une des caractéristiques de la société islamique, et l'Inde l'adopta elle aussi lorsque les musulmans y pénétrèrent."

D'après Nehru, le "hijab" s'est donc introduit en Inde par l'intermédiaire des musulmans.

Mais si nous considérons la tendance pour l'ascétisme et le renoncement au plaisir comme une des causes de l'apparition du "hijab", il nous faut admettre que l'Inde a adopté le "hijab" depuis les temps les plus reculés, car elle a été un des centres séculaires de l'ascétisme et de la conception du caractère impur des plaisirs matériels.

"L'éthique sexuelle, dit Russell dans "Le mariage et la morale"8, comme on le voit dans les sociétés civilisées, prend source à deux origines: la tendance patriarcale et la conviction ascétique du caractère vil de l'amour. Aux époques antérieures au Christianisme et dans les pays d'Extrême-Orient jusqu'à l'heure actuelle, l'éthique sexuelle découle uniquement de la première source. Y font exception l'Inde et l'Iran, où apparut manifestement la quête de mortification qui se dissémina à travers le monde entier."

Quoi qu'il en soit, une chose certaine est que le "hijab" existait dans le monde antérieurement à l'Islam, qui n'en fut pas le promoteur. Quant à savoir si la limite du "hijab" islamique et du "hijab" existant chez les anciens peuples était ou non la même, et si la raison et la philosophie qui rendent le "hijab" nécessaire selon l'Islam sont ou non celles qui devinrent en d'autres endroits du monde l'origine de son apparition, ce sont là des questions dont nous allons parler en détail dans les chapitres suivants.
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1. Vol. 12, p. 30 de la traduction persane. Faute d'avoir pu accéder aux textes originaux, nous avons dû traduire les citations d'auteurs non persans à partir du persan (N.d.t.).

2. Histoire de la Civilisation, vol. 1, p. 552.

3. Ibid, Vol. 11 p. 112.

4. Ibid, p. 111.

5. Ibid, Vol. 10, p. 233.

6. Al-Kach Châf, en commentaire du verset 31 de la sourate La Lumiére (24).

7. Vol. 2, p. 382

8. p. 135 (traduction persane).
Quelles sont les causes et la philosophie de l'apparition du "hijab"? Comment se fait-il qu'il soit apparu au sein de la totalité ou de certains des anciens peuples? Pourquoi et en fonction de quel intérêt l'Islam, qui est une religion dont tous les commandements renferment une philosophie et un dessein, a-t-il approuvé et institué le "hijab"?

Les adversaires du "hijab" ont tenté de mettre en avant des conjonctures oppressives en guise de raison de son apparition, et sans faire en cela de différence entre le "hijab" islamique et non-islamique, prétendent que le "hijab" islamique prend source lui aussi à ces conjonctures oppressives.

Différent points de vue ont été énoncés quant à la raison de l'apparition du "hijab", et le plus souvent, les causes mentionnées l'ont été en vue de le présenter comme oppressif et fruit de l'ignorance. Nous en évoquerons l'ensemble. Les points de vue que nous avons recueillis sont certains philosophiques, certains sociologiques, éthiques, économiques ou psychologiques, comme mentionnés ci-dessous:

1- Tendance à l'ascétisme et au monachisme (racine philosophique).

2- Absence de sécurité et de justice sociales (racine sociale).

3- Patriarcat et domination de l'homme sur la femme, et exploitation de son énergie dans le sens des intérêts économiques de l'homme (racine économique).

4- Jalousie et égoïsme de l'homme (racine éthique).

5- Menstruation de la femme et son sentiment d'avoir par nature quelque chose de moins que l'homme, outre les âpres prescriptions qui furent établies dans le contexte de son "impureté" et de la rupture des relations avec elle lors de ses menstrues (racine psychologique).

Les causes mentionnées, ou bien n'ont eu d'influence à aucun titre sur l'apparition du "hijab" nulle part dans le monde, et ont donc été vainement mentionnées en tant que telles, ou bien à supposer qu'elles aient influé sur l'apparition de certains systèmes non-islamiques, n'ont pas eu d'influence sur le "hijab" islamique, à savoir qu'elles n'ont pas constitué la logique et la philosophie qui ont engendré l'ordonnance du "hijab"en Islam.

Comme on le remarque, les adversaires du "hijab" le présentent parfois comme le produit d'un mode de pensée philosophique particulier au sujet du monde et de ses plaisirs, ou bien lui attribuent une origine politique et sociale, ou bien encore le considèrent comme l'effet de causes économiques, ou associent à son apparition des aspects éthiques ou psychologiques particuliers.

Nous citerons puis critiquerons chacune de ces causes, et prouverons que l'Islam, dans sa philosophique sociale, n’a eu en vue aucun de ces motifs, dont pas un ne s’accorde avec ses fondements incontestables et notoires, et pour finir, nous ferons allusion à une cause majeure qui compte à notre avis comme la plus plausible d’entre elles.
Ascetisme et monachisme
La relation qui lie la question du "couvrement" à la philosophie de l'ascétisme et du monachisme vient de ce que la femme étant le plus grand sujet de plaisir et de jouissance humains, homme et femme recherchent forcément plaisir et jouissance s'ils se fréquentent mutuellement. Pour accorder parfaitement l'environnement à la continence et à l'ascétisme, les partisans de la philosophie du monachisme et du renoncement au plaisir, agréant une limite entre homme et femme, ont institué le "couvrement", tout comme ils ont également combattu d'autres choses étant, comme la femme instigatrice de plaisir et de joie. Selon cette théorie, l'apparition du "couvrement" serait donc le prolongement et la conséquence de la conception du mariage comme une souillure et du célibat comme sacré.

De la même façon qu'elle a engendré, dans le domaine de la propriété, la philosophie de quête de la pauvreté et de renoncement à toutes les ressources matérielles, l'idée d'ascétisme et d'anachorétisme a suscité relativement à la femme la philosophie d'aspiration au célibat et d'hostilité à la beauté. Le port des cheveux longs, qui est d'usage chez les "Sikhs"*, les hindous et chez certains derviches, compte également parmi les symboles de l'hostilité à la beauté et de la lutte contre la sensualité, et parmi les fruits de la philosophie du rejet du plaisir et du penchant pour l'ascétisme.

Se couper et se raser les cheveux, disent-ils, fait accroître le désir sexuel, tandis que le fait de les laisser longs en cause la diminution.

Il n'est pas inopportun de citer là un passage de "Le mariage et la morale" de Bertrand Russell1 à ce sujet1:

"Au cours des premiers siècles du Christianisme en particulier, écrit-il, ce mode de pensée de Saint Paul fut entièrement divulgué par l'Eglise; le célibat contracta une odeur de sainteté, et innombrables furent ceux qui prirent le chemin du désert afin de terrasser le Diable, un diable qui peuplait à tout instant leur esprit d'imaginations érotiques. Simultanément, l'Eglise combattit le bain, sous prétexte que les courbes du corps conduisent l'homme vers le péché. L'Eglise ayant loué la crasse corporelle, l'odeur du corps revêtit un caractère de sainteté. Toujours selon Saint Paul, la propreté et la toilette du corps étaient incompatibles avec la pureté de l'esprit, aussi le pou fut-il reconnu comme la perle de Dieu..."

Ici se pose la question de savoir quelle est essentiellement la cause de la tendance humaine à l'ascétisme et au monachisme. Par nature, l'être humain doit rechercher le bonheur et le plaisir, et il doit donc y avoir une raison au fait d'y renoncer et de s'imposer la privation.

Comme nous le savons, le monachisme et l'hostilité au plaisir ont constitué un courant qui a existé en de nombreux endroits du monde. Parmi ses centres, il y eut l'Inde en Orient et la Grèce en Occident. L’école cynique, qui est une des écoles de la philosophie et avait cours en Grèce, a été adepte de la pauvreté et adversaire du plaisir matériel2.

Une des causes de l'apparition de ce type de pensées et de croyances est la propension humaine à accéder à la Vérité. Cette disposition est chez certains individus d'une extraordinaire intensité, et si elle se joint à la conviction que c'est lorsque sont soumis le corps et les désirs physiques que la découverte de la vérité se produit pour l'esprit, elle aboutit naturellement à l'ascétisme et au monachisme.

En d'autres termes, l'idée selon laquelle l'accession à la Vérité n'est possible que par l'anéantissement et l'opposition au désir est la cause majeure de l'apparition de l'ascétisme et du monachisme.

Une autre cause du phénomène de l'ascétisme est le fait que soient mêlées aux plaisirs matériels certaines souffrances spirituelles. L'être humain a constaté qu'un certain nombre de souffrances morales côtoient toujours les plaisirs matériels.

Il a constaté par exemple que si la possession de richesse procure une série de plaisirs et de jouissances, son acquisition et sa garde comportent des milliers d'ennuis, d'inquiétudes et d'humiliations à subir. II a vu que ces plaisirs matériels lui font perdre sa liberté et sa magnanimité, et c'est ainsi que renonçant à tous ces plaisirs, il a pu faire profession de célibat et de grandeur d'âme. Il se peut que le premier facteur ait influé davantage sur l'ascétisme hindou, et le second facteur sur la quête de pauvreté du cynisme grec.

D'autres causes ont également été évoquées pour expliquer l'apparition de l'ascétisme et de la fuite du plaisir, parmi lesquelles le fait que la privation et l'échec dans les affaires séculières - en particulier l'échec en amour - entraînent l'intérêt pour l'ascétisme. A la suite de ce type d'échecs, l'esprit humain se venge des plaisirs matériels en les considérant comme impurs et en forgeant une philosophie pour justifier cette impureté. L'excès dans les plaisirs et les jouissances constitue un autre facteur de l'intérêt pour l'ascétisme.

La capacité physique de l'homme à jouir étant limitée, l'excès dans la quête de jouissance et le fait d'imposer au corps au-delà de sa capacité provoquent une réaction morale violente, en particulier à l'âge de la vieillesse, engendrant lassitude et désarroi.

S'il ne faut pas nier l'influence de ces deux dernières causes, elles ne constituent pourtant certainement pas la cause unique. Leur influence s'opère de la sorte: à la suite d'échecs, ou de fatigues et de lassitudes, s'éveille en l'esprit la pensée de quête de la Vérité.

L'intérêt pour les choses matérielle et le fait de s'absorber dans les pensées matérialistes constituent en soi un obstacle à ce que l'homme médite sur l'éternité, l'infinité et la Vérité perpétuelle, et réfléchisse à la question de savoir d'où il vient, où il est, où il va. Mais dés que l'échec ou la lassitude font apparaître en l'esprit un état de fuite et de détachement à l'égard des choses matérielles, se vivifie la pensée de l'Absolu, jusqu'alors entravée.

C'est toujours lorsqu'ils s'ajoutent au premier facteur que ces deux facteurs entraînent l'intérêt pour l'ascétisme. Et bien entendu, seuls certains des individus attirés vers l'ascétisme le sont sous l'influence de ces deux facteurs.

Voyons à présent si une telle argumentation et une telle justification pour le "couvrement" s'avèrent justes en ce qui concerne l'Islam et le mode de pensée qu'il a présenté au monde.

L'Islam a heureusement un mode de pensée et une vision du monde limpides; son opinion est claire au sujet de l'Homme, du monde, du plaisir, et il est aisé de savoir si une telle pensée existe ou non dans la vision islamique du monde.

Ainsi, nous ne nions pas que le monachisme et le renoncement au plaisir existent en certains endroits du monde, et que le "couvrement" de la femme puisse être éventuellement considéré comme Un de leurs fruits là où régna une telle pensée. Mais ni l'Islam n'a allégué nulle part une telle raison en assignant le "couvrement", ni une telle philosophie n'est conforme à l'esprit de l'Islam et à ses autres commandements.

L'Islam a sévèrement combattu dans le principe l'idée d'ascétisme et de monachisme, ce qu'admettent également les orientalistes européens. Au lieu de considérer le pou comme la perle de Dieu, l'Islam dit, encourageant la propreté: "La propreté relève de la foi."

Le Noble Prophète, voyant une personne aux cheveux hirsutes, aux vêtements souillés et qui semblait en fâcheux état, lui dit: "Jouir des bienfaits de Dieu relève de la Religion"3. Il dit aussi: "La pire des créatures est celle qui est sale et crasseuse"4, Amir al-Mo'menin*dit: "Dieu est Beau et Il aime la beauté"5.

Et l'Imam Sâdeq*: "Dieu est Beau et aime à ce que Sa créature s'embellisse, et Il est au contraire hostile a la pauvreté et à l'affectation de pauvreté. Si Dieu vous accorde quelque don, l'effet de ce don doit paraître dans votre existence." - "Comment doit paraître l'effet du don de Dieu?" lui demanda-t-on. "En ce que, répondit-il, nos vêtements soient propres, que l’on use de parfum, que l'on blanchisse sa maison de plâtre, qu'on en balaie l'extérieur..."6

Dans les plus anciens ouvrages dont nous disposons, comme le "Kafï" qui est un vestige de mille ans auparavant, on trouve un exposé sous le titre de "L'habillement et l'embellissement", dans lequel l'Islam fait des recommandations formelles quant à couper et à peigner les cheveux, à user de parfum, etc.

Pour s'adonner à leurs pratiques religieuses et jouir des plaisirs spirituels mieux et davantage, un certain nombre de compagnons du Prophète en vinrent à quitter femmes et enfants, jeûnant le jour et priant la nuit.

Dés que l'Envoyé de Dieu l'apprit, il le leur interdit en disant: "Moi qui suis votre guide et chef, je ne suis pas ainsi. Je jeûne certains jours, et certains jours je romps le jeûne; je passe une partie de la nuit en pratiques religieuses, et une autre partie auprès de mes épouses."

Ces mêmes compagnons demandèrent au Prophète la permission de se faire castrer afin d'extirper de leur être la racine des excitations sexuelles. Le Prophète la leur refusa, disant que l'Islam interdit ce genre de choses.

Un jour, trois femmes vinrent se plaindre de leurs époux respectifs auprès du Prophète. "Mon mari ne mange pas de viande", dit l'une. "Le mien s'interdit le parfum", dit une autre. "Mon époux évite la femme", dit la troisième.

Le Prophète, faisant traîner son manteau à terre en signe de colère, se rendit sur-le-champ à la Mosquée, et s'exclama du haut du minbar: "Qu'arrive-t-il à certains de mes compagnons qui ont renoncé à la viande, au parfum et à la femme?! En vérité, je mange moi-même de la viande, utilise du parfum et tire agrément de mes épouses, et quiconque conteste ma ligne de conduite ("sunnat") n'est pas des miens."7.

L'ordre de raccourcir les vêtements - contrairement à l'habitude des arabes dont les vêtements étaient si longs qu'ils balayaient le sol - a pour raison la propreté, comme l'énonce un des premiers versets révélés au Noble Prophète: "Purifie tes vêtements!"8.

De même, si le port de vêtements blancs est apprécié en Islam, c'est d'une part pour des raisons d'esthétique et d'autre part de propreté, car les vêtements blancs laissent mieux voir la saleté.

Il a été fait allusion à cette question dans les Traditions: "Vêtez-vous de blanc, car cela est plus propre et plus plaisant." Lorsqu'il voulait se rendre auprès de ses compagnons, le Prophète se regardait dans la glace, peignait et ordonnait ses cheveux, et disait: "Dieu aime celle de Ses créatures qui, lorsqu'elle veut se rendre auprès de ses amis, s'apprête et se fait belle"9

Le Coran a mentionné la création des moyens d'embellissement comme appartenant aux faveurs de Dieu à l'égard de Ses créatures, et a sévèrement critiqué le fait de s'interdire les parures de ce monde: "Dis: Qui donc a déclaré illicites la parure que Dieu a produite pour Ses serviteurs, et les excellentes nourritures?"10

Des hadiths rapportent que les Imams Immaculés controversèrent à maintes reprises avec les soufis, et qu'ils démontrèrent le caractère erroné de leur doctrine en s'appuyant sur ce même verset11.

L’Islam, non seulement n'a pas blâmé le plaisir et la jouissance que mari et femme tirent l'un de l'autre, mais y a également assigné des récompenses dans l'Au-delà.

Il peut être surprenant, pour un européen, d'entendre dire que l'Islam regarde comme méritoire le badinage et les jeux amoureux de deux époux, l'embellissement de la femme pour son mari, la toilette de l'homme pour son épouse; autrefois, au temps où, en obéissance à l'Eglise, étaient blâmées toutes les sortes de jouissances sexuelles, ces choses-là étaient dénigrées et considérées comme ridicules.

L'Islam a violemment interdit les jouissances sexuelles hors du mariage, et ceci renferme en soi une philosophie particulière que nous exposerons par la suite. Par contre, il a loué le plaisir sexuel dans le contexte de la loi au point de dire que "l'amour de la femme appartient aux attributs des prophétes"12.

L'Islam a blâmé la femme qui néglige de s'embellir et de se parer pour son époux, de même que l'homme qui fait preuve de négligence à satisfaire son épouse.

Hassan ibn Jahm raconte: ''Je me rendis auprès de l'Imam Mûssa* ibn Ja'far et vis qu'il s'était teint les cheveux. "Auriez-vous donc utilisé de la teinture noire?" demandai-je. - "Oui, dit-il. La teinture (des cheveux) et l'entretien de soi, de la part de l'homme, fait croître la chasteté de son épouse. Certaines femmes perdent leur chasteté pour cette raison que leurs époux ne se soignent pas dans leur toilette."13

Un autre hadith rapporté du Prophète dit: "Soyez propres et non semblables aux juifs." Puis il dit: "Les femmes juives devenues adultères le furent pour cette raison que leurs maris étaient sales et suscitaient leur aversion. Veillez à votre propreté afin que vos épouses soient attirées vers vous."

Osman ibn Maz'oun était un des grands compagnons du Prophète. Voulant devenir anachorète à l'instar des moines, il délaissa femme et biens et s'interdit tout plaisir. Son épouse se rendit auprès du Prophète. "O Envoyé de Dieu! dit-elle. Osman jeûne le jour et passe la nuit à prier." Le Prophète, en colère, se rendit auprès de lui. Osman était en train de faire la prière.

Lorsqu'il l'eût achevée, le Prophète lui dit: "Eh Osman! Dieu ne nous a pas ordonné le monachisme. Ma religion est une ligne de conduite adaptée à la réalité, et en même temps simple et facile. Dieu Très-Haut ne m'a pas envoyé pour le monachisme et l'ascétisme. Il m'a délégué pour une Loi religieuse conforme à la nature originelle, aisée et indulgente14. Je prie et je jeûne, et je vais aussi à mes épouses. Quiconque aime ma religion, conforme à la nature originelle, doit me suivre, et le mariage est une de mes traditions."
L'absence de securité
Une autre origine a été attribuée à l'apparition du "couvrement": c’est l'insécurité. Autrefois, l'injustice et l'insécurité étaient considérables.

Les biens et l'honneur des gens étaient à la merci des forts et des puissants. Quiconque possédait quelque argent ou quelque richesse était contraint de l'enfouir sous la terre sous forme de magot.

Si des trésors demeuraient ainsi enfouis, c'est parce que les détenteurs d'or ou de richesse n'osaient pas même informer leurs enfants de la cachette de leur bien, de crainte que ceux-ci n'ébruitent leur secret et ne les exposent à des infractions et à des préjudices de la part des puissants.

Aussi arrivait-il parfois que le père disparaisse d'une mort subite, sans trouver l'occasion de confier ses secrets à ses enfants, et son avoir demeurait enfoui sous la terre. Le dicton disant "Ne dévoile ni ton argent, ni ton voyage, ni ta croyance"15 est un vestige de ces temps-là.

Tout comme il ne régnait pas de sécurité à propos des richesses, il n'en existait pas non plus en ce qui concernait la femme, et quiconque avait une épouse douée de beauté était contraint de la garder à l'abri des regards des puissants, car s'ils s'en avisaient, elle n'était dés lors plus sienne.

L'Iran de l'époque sassanide* a été témoin de crimes et de malheurs surprenants en ce domaine. Les princes, les prêtres, et même les chefs de village et les seigneurs, s'ils s'avisaient de la présence d'une jolie femme dans telle ou telle demeure, la faisaient assaillir et arrachaient cette femme du foyer conjugal.

A cette époque, ce n'était pas de "couvrement" ni de "hijab" dont il était question. Il s'agissait de cacher la femme pour que nul ne s'avise de son existence. Dans son Histoire de la Civilisation, Will Durrant rapporte de la Perse antique des faits scandaleux en la matière.

Le Comte Gobineau écrit dans Trois ans en Iran que le "hijab" qui existe encore de nos jours en Iran se rapporte, plus encore qu'à l'Islam, à l'Iran préislamique. Il ajoute que dans la Perse antique, les gens ne jouissaient d'aucune sécurité en ce qui concernait les femmes.

On a raconté au sujet d'Anouchirvan* - que l'on qualifia par erreur d'équitable - qu'il se rendit en son absence chez un des colonels de son armée dans le dessein d'en violer la belle épouse. Celle-ci raconta l'affaire à son époux. Pressentant que non seulement sa femme était perdue pour lui, mais que sa vie était en danger, il divorça sur-le-champ.

Lorsque Anouchirvan l'apprit, il lui dit: "J'ai entendu dire que tu avais un très beau verger et que tu l'as abandonné dernièrement. Pourquoi donc?" - "J'y ai vu les traces de pas d'un lion, répondit le colonel, et j'ai eu peur qu'il ne me mette en pièces." Anouchirvan se mit à rire et dit: "Ce lion ne viendra plus dans ton verger."

Ce type d'insécurité n'était pas spécifique à l'Iran ni aux temps reculés. L'histoire de l'Adhan de Minuit, que nous avons rapportée dans le Mémorial des Justes16, montre comment des incidents équivalents se produisaient également à Bagdad lors de la domination des turcs sur l'appareil califal. Il n'y a pas encore bien longtemps, un des princes d'Isfahan commit beaucoup de transgressions de ce genre, et les habitants de cette ville racontent nombre d'histoires de l'époque de son règne.

Nous ne nions ni l'existence d'insécurités et d'injustices par le passé, ni leur influence sur la pratique de dissimulation de la femme. Si l'application excessive du "hijab" et les opinions exagérées en matière de "couvrement" féminin sont assurément l'effet de ce type de faits historiques, il nous faut vérifier si la philosophie du "couvrement" de la femme en Islam y correspond ou non.

Tout d'abord, il serait faux de prétendre qu'il règne à notre époque une sécurité totale pour la femme. Dans ce monde industrialisé d'Europe et des Etats-Unis que nous appelons par erreur le monde civilisé, nous lisons parfois des statistiques effrayantes en matière de viol... Aussi longtemps que le règne de la sensualité subsistera dans le monde, il n'existera jamais de sécurité en ce domaine.

Cependant, l'aspect de l'affaire varie. Il fut un temps où tel seigneur, tel puissant envoyait un agent armé et arrachait de chez elle la femme d'un autre. En d'autres temps, on séduit une femme au cours d'une soirée, lors d'une danse, et on la détourne de son mari et de ses enfants.

Il se produit beaucoup d'incidents de ce genre, ou du type de l'enlèvement de femmes ou de jeunes filles au moyen de taxis ou d'autres façons, comme nous le lisons dans les journaux. (...) Ce n'est donc rien d'autre qu'un non-sens de prétendre qu'une sécurité totale règne à notre époque en matière d'outrages à la pudeur, et que les personnes concernées peuvent avoir l'esprit en paix.

En second lieu, à supposer qu'une sécurité totale en ce domaine ait été instaurée dans le monde et qu'il n'existe plus de viol ni d'outrage à la pudeur, si ce n'est avec le consentement des partenaires, il faut se poser la question suivante: quel est le fondement du "couvrement" selon l'Islam? Le point de vue islamique repose-t-il sur l'absence de sécurité pour que l'on puisse prétendre que le "couvrement" n'a plus de raison d'être dés lors que règne une sécurité totale?

L'injonction du "couvrement" en Islam n'a certainement pas eu l'absence de sécurité pour raison d'être. Du moins, cela n'en a pas été la raison unique ou essentielle, car cela n'a pas été présenté comme cause du "couvrement" dans les ouvrages islamiques, et une telle raison n'est pas conforme à l'histoire.

Le "couvrement" n'existait pas chez les arabes païens, et il y régnait pourtant une sécurité individuelle grâce aux modalités particulières de la vie tribale et bédouine.

Tandis qu'en Iran, l'insécurité individuelle et l'outrage à la pudeur régnaient dans une très grande mesure conjointement à la pratique du "couvrement", ce type de transgressions n'existait pas en Arabie entre membres d'une tribu. C'est la sécurité collective qui n'existait pas dans la vie tribale, c'est-à-dire la sécurité du groupe.

Or le "couvrement" ne saurait parer à ce genre d'insécurité, en ce sens que lorsqu'une tribu étrangère en attaquait une autre à l'improviste, tout était la proie du pillage, hommes et femmes étaient fait prisonniers, et le "couvrement" n'aurait pas procuré de sécurité à la femme.

La vie des arabes païens, malgré la différence énorme et notoire qu'elle présente avec la vie industrialisée et machinisée de notre époque, s'y apparente en ce sens qu'y foisonnaient la prostitution et l'adultère, même en ce qui concernait les femmes mariées, tandis qu'en raison d'une sorte de démocratie et de l'absence d'un gouvernement despotique, nul n'arrachait de force de chez elle la femme d'autrui. A cette différence, donc, qu'il règne dans la vie machinisée d'aujourd'hui une certaine insécurité individuelle qui n'existait pas à cette époque.

Le "couvrement" sert à prévenir l'agression entre des gens qui vivent au même endroit. Or d'après les habitudes et les moeurs tribales, ce type de transgression n'existait pas entre les membres d'une même tribu. Par conséquent, nous ne pouvons pas dire que l'Islam a établi l'injonction du "couvrement" à seule fin d’instaurer la sécurité.

La philosophie essentielle du "couvrement" est autre, comme nous l'expliquerons par la suite. Nous ne voulons pas dire néanmoins que le problème de la sécurité de la femme contre la transgression masculine n'a été pris en compte à aucun titre: lorsque nous commenterons le verset du "jilbâd"*17, nous verrons que le Noble Coran s’est également soucié de ce principe.

Nous ne prétendons pas non plus qu’une telle philosophie soit inopportune à notre époque et qu’il règne pour la femme une sécurité totale vis-à-vis des transgressions masculines. Les viols commis de façon quotidienne dans les pays soi-disant développés se reflètent aussi dans nos journaux.
Exploitation de la femme
Attribuant au "couvrement" une origine économique, d'aucuns ont prétendu que la limitation (entre homme et femme) et le "couvrement" sont un vestige du temps de la possession et de la domination masculines. Pour tirer un profit économique de l'existence des femmes et les exploiter comme des esclaves, les hommes les maintenaient à l'intérieur des maisons, et pour amener la femme à s'abstenir d'elle-même de sortir de chez elle et à le considérer comme une mauvaise action, ils conçurent l'idée du "hijab" et de la réclusion.

Ceux qui tiennent ce discours ont également tenté d'expliquer d'autres questions telles que le "nafaqah" (droit de la femme à la subsistance) et le douaire sur la base de la mainmise de l’homme sur la femme.

Dans un ouvrage intitulé "Critique de la Constitution et du Code Civil iraniens", on lit ceci:

"Lorsque fut rédigé le code civil iranien, subsistaient encore en certains endroits du monde des traces de l'esclavagisme, et en Iran,